[identity profile] drakys.livejournal.com posting in [community profile] 31_jours
Titre: Entraînement
Auteur: drakys
Jour/Thème: 23 octobre/Sans les mains! + première personne
Fandom: original
Personnages: saneriah et zeih
Rating: PG
Disclaimer: [livejournal.com profile] supaidachan et moi
Notes: zeih est un personnage absolument trop secondaire sur lequel j'obsède bêtement.
Participation au vote de fin de mois: Non


Zeih était étrange, un loup solitaire à l'image de ses très rares congénères qui avait été acceptés dans la Marine Royale. "Mauvais un jour, mauvais toujours", disait le dicton et comme les rumeurs voulaient que les hommes-loups aient le cœur déjà noir à la naissance, bien peu d'entre eux finissaient par hériter d'un ruban d'officier.

Les Fenrir, menace constante qui tombait des cieux avec une précision mortelle et contre laquelle nous devions défendre au mieux les civils, étaient eux aussi des hommes-loups comme Zeih. Même dans les Guildes de l'ombre, les voleurs, les assassins: tant d'entre eux étaient des loups, bêtes obscures tapies dans le Mal et profitant de la noirceur du cœur des hommes pour leur commerce.

Même les enfants des serpents bénéficiaient encore de plus de respect que ceux des loups: au moins se consacraient-ils souvent aux arts de la médecine. Excellents docteurs ou sinon professeurs, même craints pour leurs connaissances effrayantes des poisons et de tant de manière subtiles de tuer, les hommes-serpents pouvaient encore marcher sans crainte dans les rues, même si les regards se détournaient souvent de leurs yeux dorés qu'on disait hypnotiques.

Je savais qu'en le prenant avec moi, j'allais me buter à l'incompréhension, au mépris de mes supérieurs et même à celui de mes pairs. Mais au fond, leur respect m'importait peu: j'avais déjà souvent été victime de leur arrogance. Moi, femme, venue des bas-fonds et des rues coupe-gorges dont ils n'entendaient jamais parler qu'aux bulletins de nouvelles. Je savais bien qu'il y avait plus important que la naissance et le rang.

Il y avait malheureusement si peu de loups en lesquels on pouvait avoir réellement confiance et auxquels on pouvait tourner le dos sans avoir peur de se retrouver avec un couteau plantée entre les omoplates. Pourtant, Zeih était mon second, le bras droit d'un des Dragons à la meilleure réputation. L'Eingana, ce magnifique vaisseau de la Marine que je pouvais enfin appeler le mien, valait sa renommée non pas seulement à mes ordres et mon sang-froid au combat, mais aussi aux judicieux conseils de Zeih qui connaissait le ciel presque mieux que les oiseaux.

Les murmures disaient d'horribles choses sur lui. Je tenais de Zeih lui-même qu'enfant, laissé pour mort, il avait perdu toute famille aux mains des Fenrir et assoiffé de vengeance, il avait suivi leur voie. Je savais aussi qu'il avait pirate lui-même, comme ceux qui avait tué ses parents, ses frères, et qu'il avait passé d'équipage à équipage jusqu'à ce qu'il puisse assouvir son besoin de les venger.

Le sang des meurtriers de sa meute sur les mains, meurtrier lui-même pour accomplir sa malheureuse quête, il s'était enfin repenti et c'est dans une cellule que je l'avais vu pour la première fois. Battu, presque laissé à mourir de faim et de soif, il m'avait pourtant dévisagé avec un regard si ardent que j'en avais été choquée. Et sans trop pouvoir m'expliquer pourquoi, je l'avais acheté comme esclave. Il était affranchi dix jours plus tard, me sauvant d'un guet-apens jeté par un autre candidat au commandement de l'Eingana.

Mais je n'avais jamais su si son crime avait apaisé sa peine ou sa douleur, ou s'il croyait pouvoir jamais l'expier. Il se rachetait à petits gestes, derrière cet air hautain et ces manières condescendantes que le reste de lui équipage lui reprochait, m'apprenant d'abord à me défaire de mes habitudes des rues et m'enseignant plutôt à me battre au pistolet et à l'épée, m'inculquant la technique rapidement et mon talent avait fait le reste. Et il poursuivait parfois ses leçons quand je le lui demandais, ne partageant qu'un tout petit peu de son savoir militaire à la fois. Comme maintenant il le faisait encore, sous le soleil de midi et pendant une rare accalmie entre deux avertissements de raids.

Mèches de cheveux gris agitées et sauvages dans le vent d'haute altitude et ses yeux sombres riaient de me voir tenter et tenter encore de l'embrocher en vain. Un coup de lame précis et il évitait d'un pas de côté en ne parant même pas, sa propre épée inutile à son flanc, toujours dans son fourreau.

Je n'étais pas si mauvaise, mais il était tellement meilleur: il ne faisait que jouer, gamin, sous mes coups, avec cette grâce étrange qui habitait chacun de ses gestes. Rapide, précis, il défaisait chacune de mes attaques avec un minimum de gestes et cela, presque avant même que je puisse compléter mon coup. Il lisait mes gestes si facilement que je lui avais maintes fois reproché d'user d'un sens supplémentaire qui me manquait cruellement face à lui.

"Tiens-toi immobile que je te pique!", finis-je par rager.

Un sourire fut ma seule réponse et il évita la lame de si près cette fois que je croyais bien lui avoir collé au moins une égratignure. Son sourire s'élargit et il recula d'un bond souple, me tirant une révérence après m'avoir montré que sa peau, comme ses vêtements, tout était encore intacte.

"Saneriah, vous ne maniez pas l'épée aussi bien que le fusil", me fit-il la remarque et sans réfléchir, je me jetai sur lui.

Il évita si facilement la brusquerie idiote que j'eus honte d'avoir ainsi trahi tous ses apprentissages: avais-je considéré calmement toutes les actions possibles? Avais-je calculé la réaction? Non, provoquée par une simple constatation, j'avais tout simplement foncé. Un coup de coude me cueillit facilement derrière la nuque et je m'effondrai sur le poing, sonnée. Il posa un pied sur sa tête, se penchant vers moi.

"Vous êtes morte", souligna-t-il.

"Pas encore!", et j'essayai de le renverser.

Il évita la lame qu'il botta hors de ma main, le bras il le bloqua trop aisément. Puis la jambe que je jetai vers lui dans un effort désespéré pour ne pas perdre fut simplement évitée d'un geste presque ennuyé. Il contre-attaqua si rapidement que je pus à peine réaliser qu'il me plaquait contre le sol et qu'il m'avait immobilisée si bien que je ne pouvais respirer qu'avec difficulté.

Je ne pouvais voir que son sourire, ses yeux calmes alors qu'il était penché au-dessus de mon visage. Ses traits n'étaient ni heureux de la victoire, ne marquaient pas sa supériorité. Ils me disaient simplement dans ce regard de reproche que mon erreur, dans un véritable combat, m'aurait coûtée la vie. Le reste, je ne pouvais que le sentir dans mon corps maltraité: le bras contre ma gorge qui appuyait trop, celui bloquant mes mains ramenées sur mon côté et les jambes qui maintenaient tout le reste de mes membres serrés contre le pont.

"Vous devriez vous entraîner plus sérieusement. Je n'ai même pas eu à me servir de mes mains pour votre battre", soupira-t-il.

"J'ai perdu", me vis-je alors contrainte d'admettre et il me relâcha à cette annonce, me tendant une main pour m'aider à me relever.

Il me fit ensuite une révérence que je trouvai amusante et il s'éloigna d'un pas léger, ne pensant même plus à ce petit entraînement improvisé en reprenant sa veste là où il l'avait abandonnée plus tôt. Je le regardai partir, une main contre ma gorge qui allait bien hériter d'une ecchymose ou deux. Il ne retenait pas ses coups contre moi, comme tant d'autres le faisaient parce que j'étais une femme.

Peut-être était-ce pour cela que je l'avais nommé second officier. Ou peut-être parce que je l'avais déjà vu se battre pour protéger l'équipage, en se servant de ses poings ces fois-là, et que j'avais bien vu à ces moments-là qu'il ne restait rien dans ses yeux de ces bêtes sombres qui terrifiaient encore les hommes.

(23 octobre 2006)

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