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[identity profile] ylg.livejournal.com posting in [community profile] 31_jours
Titre : le plus beau jour
Auteur : [livejournal.com profile] ylg
Jour/Thème : 30 avril/serment + conflit
Fandom : Yoko Tsuno, La frontière de la vie
Personnage/Couples : Mme Pohlen et Anna Schulz,, Rudy/Eva
Rating : PG
Disclaimer : Roger Leloup
Participation au vote de fin de mois : hum, non

Notes :
- cross-postée sur [livejournal.com profile] yuri_a_tt_prix pour le thème « un compliment à faire rougir »
- le prénom et le nom de jeune fille de la mère de Rudy, je les ai complètement inventés (et ça n'entre pas dans l'histoire, mais j'ai arbitrairement décidé qu'elle devait être en fait la cousine plus âgée de la mère d'Ingrid et puis voilà, pas de lien avec M. Hallberg...)

***

Anna Schulz, Charlotte Masner : enfants, elles étaient inséparables, proches comme des sœurs jumelles et peut-être plus encore. Elles avaient juste vingt ans quand la guerre éclata. Tous les jeunes hommes partis au front l'un après l'autre, quoiqu'en âge de se marier, comme bien d'autres jeunes filles à l'époque elles restèrent célibataires des années encore. Des années de guerre, des années de douleur, de deuil tout autour d'elles, de privations.
Peu avant que le conflit n'éclate, Franz, le frère aîné d'Anna, s'était marié.

« Ma belle-sœur est adorable, confia à cette occasion Anna à Charlotte, mais...
- Mais ?
- C'est curieux : nous étions inséparables enfants, j'avais toujours eu l'impression qu'il t'épouserait toi.
- Allons donc !
- Ainsi tu serais vraiment devenu ma sœur. »

L'idée d'être liée pour toujours à Anna était séduisante, en soi, mais... mariée à Franz ? Ça, c'était plus difficile à envisager. Il était vrai qu'étant petite fille elle l'avait beaucoup admiré, peut-être même un peu jalousé, elle qui n'avait pas de grand frère, et que plus tard, elle adolescente lui presque un homme, il était parti étudier la médecin à Düsseldorf, he bien, oui, il lui avait manqué... mais qu'il trouve là-bas une jeune fille à épouser, elle en était heureuse pour lui. Anna ne lui en voulut pas longtemps de n'avoir pas pas protesté. Après tout, si Franz s'était amouraché d'une fille de la grande ville, ça ne regardait que lui, ça n'était pas la faute de Charlotte.

Les choses traînèrent des années, la guerre s'éternisant, les frôlant toujours sans jamais les toucher directement... jusqu'à ce jour où là-bas à Düsseldorf, Frau Schulz périt sous les bombes des Anglais, laissant un mari éploré et une enfant en bas-âge dont il ne savait trop que faire. Le jeune veuf ramena diplôme, expérience, douleur personnelle et fillette dans sa petite ville natale, renonçant à la brillante carrière dont il avait un temps rêvé dans un grand et prestigieux hôpital. De toute façon, disait-il, la guerre avait mis un frein à sa carrière : les innombrables blessés à soigner faisaient de lui un chirurgien accompli, mais ça n'était pas à la traumatologie qu'il souhaitait se consacrer. Comme son père avant lui, il espérait se lancer dans des recherches de pointe. Les moyens dont Schulz père avait manqué à Rothenburg, Franz en disposait à Düsseldorf ; même réduits par cette fichue guerre, ils les surpassaient quand même. Il poursuivit ses expériences à son rythme, n'ayant plus de comptes à rendre à personne, s'absorbant dans ses recherches pour oublier sa peine face à la perte de sa femme et à ce qui affligeait sa patrie.
Sa fille ? dès son retour, il l'avait confiée à Anna. Anna largement en âge de se marier, de fonder son propre foyer, mais encore une fois, sans aucun prétendant à disposition - et ça n'était pas faute de ses dispositions à elle.

Ça n'est pas plus mal, estimait Anna. Bien que sympathisant avec le malheur de son frère, elle a peu connu sa belle-sœur et la regrette moins qu'elle devrait peut-être. Maintenant, garçons disponibles ou pas, et quoiqu'on dise d'elle qu'elle ferait une épouse parfaite, elle n'avait pas franchement envie de se marier. Élever son adorable petite nièce lui suffisait amplement. Être la sœur du docteur, en voilà une bonne excuse : elle se consacrerait à son frère et à sa nièce, et finirait vieille fille mais heureuse sans que personne n'y trouve rien à redire.
Quant à Charlotte ? Suivant l'exemple de son amie, elle goûte sa liberté prolongée, étonnée mais tout de même reconnaissante de cet étrange destin.

Passèrent deux années de bonheur, en équilibre précaire, entre Madga qui grandissait, leur amitié fusionnelle cimentée, et la guerre et ses conséquences tout autour qui s'aggravaient de mois en mois.

Au 31 mars 1945, leur pays semblait au plus mal ; leur petite ville jusqu'ici miraculeusement épargnée, fut prise dans un bombardement, et la petite Magda fauchée en pleine jeunesse. Tout se termina pour elles ce jour-là.
Dans les jours qui suivirent, Anna se mura avec son chagrin et sa colère rentrée dans un silence où même Charlotte ne pouvait plus l'atteindre. Quelque temps après, elle disparut sans laisser de traces.

Le rêve était bel et bien fini.

Quelques mois encore et le pays capitula. Les derniers blessés guérirent ou moururent, les soldats survivants rentrèrent. Madga morte, Anna disparue, Franz s'étant jeté à corps perdu dans son travail et devenu un médecin des plus respectables, il ne restait plus grand' chose à Charlotte. Avec plusieurs années de retard sur ce qu'avaient toujours prévu pour elle ses parents, sa paroisse, le monde entier peut-être, puisqu'il n'y avait plus que cela à faire, elle donna ce qu'elle put aux ruines de son pays, se rangea et épousa un vétéran. Ils eurent un fils unique, une vie sans histoire.


Ce n'est que trente plus tard que Charlotte apprit la vérité sur l'histoire de Franz, Magda et Anna.

*

Anna Schulz, maintenant Anna Werner, est revenue d'Allemagne de l'Est pour le mariage de sa fille. Elle et son mari ont bénéficié de laisser-passer spéciaux - comment les ont-ils obtenus, des cerveaux pareils sont censés être jalousement gardés... mais ils ont prouvé leur loyauté à leur pays et reviendront ensuite sans chercher à passer à l'Ouest.

Les retrouvailles sont lourdes d'émotion.

« Tu n'as pas changé, Anna. Tu es toujours aussi belle qu'il y a trente ans... »

Le compliment vient spontanément à Charlotte sans qu'elle cherche ni même ne pense à taire son admiration.

« Moi j'ai vieilli et forci... murmure-t-elle.
- C'est signe de bonne santé, crois-moi, » assure Anna. Charlotte préfère éviter le sujet de sa propre apparence et se réfugie, justement, dans les apparences des autres, dans les lieux communs.

« Alors voilà. Un mariage... Tu t'es finalement mariée. Toi.
- Pour la vie de ma nièce, pour la passion de mon frère, et la mienne. »

Anna dévoile cet aspect de sa vie sans fausse pudeur, en mémoire sans doute de l'époque où elles n'avaient pas de secret l'une pour l'autre. Charlotte s'en souvient comme si c'était hier, transportée à la revoir des années en arrière.
Pourtant elle hésite maintenant à questionner plus avant les raisons de son mariage. Elle préfère se taire, ne pas chercher à savoir. Elle n'a pas envie de recevoir des réponses qui la blesseraient, ou d'avoir, par symétrie, à avouer des vérités aussi malheureuses.
Et avant tout, Anna marie sa fille, c'est un jour heureux ; ça n'est pas le moment de s'enquérir de l'union qui a donné le jour à la fiancée. C'est Anna qui poursuit alors quand même la conversation :

« Et toi ?
- Parce qu'il le fallait. Et puis tu n'étais plus là, toi. »

À l'heure où leurs enfants vont échanger leurs vœux, elles se souviennent des gestes de tendresse qu'elles avaient l'une pour l'autre jeunettes. Tellement sûre de passer toute leur vie ensemble, à l'époque, jamais elles n'ont pensé à échanger des serments de toujours et de jamais. Le lien entre elles, elles le connaissaient par cœur, elles l'exprimaient de tout leur être ; elles n'avaient pas besoin de mots ou de gages pour cela. Ou du moins, elles croyaient...
Mais il n'est plus temps pour les regrets.

Charlotte repousse sa nostalgie pour se concentrer sur la joie du jour.

Quand elle dit qu'Anna n'a pas changé - et pourtant, elle a pris quelques rides, ça se voit quand elle se tient à côté d'Eva - elle le pense vraiment. Elle trouve qu'elle aurait même embelli avec l'âge. Une beauté mûre, accomplie. Peut-être plus dans les conventions actuelles, mais pour Charlotte, elle est magnifique. Anna est quelqu'un qui a réussi sa vie, estime Charlotte, en tout. Elle en est heureuse pour elle.
Enfin...

« Ta fille est vraiment tout ton portrait, ajoute-t-elle. C'est une chance pour elle.
- Elle n'aurait pas pu trouver meilleur parti que ton fils, » répond Anna.

Le compliment va droit au cœur de Charlotte qui en rougit et, modeste, essaie de s'en défaire ;

« Qu'en sais-tu, tu ignores tout de mon mari...
- Tu es sa mère, c'est ce qui compte pour moi, affirme Anna. Et Eva m'a raconté comme il veille sur toi. C'est forcément un bon garçon. »

Les deux femmes se laissent porter quelques instants par la douceur de cette idée, se plaisant à contempler l'union idéale de leurs enfants.
Mais bien sûr, il faut briser le charme. Cette image parfaite n'est pas la réalité toute entière ;

« Mais tu as raison ; ton mari... te manque-t-il, l'as-tu perdu il y a longtemps ?
- Plusieurs années ; j'ai fait ma paix. Il me reste mon fils et c'est ce qui compte le plus pour moi. Oui, Rudy est un bon garçon. Avec une belle-fille comme Eva, vraiment, je ne pouvais pas rêver mieux. Un avenir radieux s'annonce. »

Partant de là les révélations sur leurs vies en l'absence l'une de l'autre se font plus intimes. La peur d'être indiscrète envers les secrets de l'autre recule. Chacune se livre à l'autre en miroir.

« Vous n'avez eu qu'un seul enfant.
- Vous de même.
- Je n'en voulais pas d'autre. Mes recherches, je n'avais pas le temps ni l'énergie à consacrer à une famille nombreuse.
- C'est ce que j'aurais dû faire, disait-on, mais fonder une famille par devoir, c'était plus dur que je ne croyais. »

Leurs mariages respectifs étaient avant tout des mariages de raison, c'est vrai, mais ça ne veut pas dire qu'ils étaient malheureux pour autant.

« Regrettes-tu ?
- Non. »

Et quand bien même, elles ne pourraient plus rien changer désormais. Même si à l'époque elles avaient su ce qui aurait été possible, auraient-elle tenté le diable pour rester ensemble envers et contre tout ? Non. Trop d'obstacles à surmonter, tout autour d'elles, pas assez de courage... et les vies qu'elles ont eues, qu'elles ont encore au final les satisfont.

Des regrets...
Non, jamais, ou plus maintenant en tout cas.

Maintenant, le mariage d'Eva et Rudy, leurs enfants, ce qu'elles trouvent être le mieux qui soit sorti de leur vie, la balance parfaite pour les malheurs et les déceptions passées, de quoi effacer tous les regrets : ce jour justifie tout.

(deleted comment)

(no subject)

Date: 2010-05-02 01:29 pm (UTC)
From: [identity profile] elwan59.livejournal.com
Pairing intriguant et inhabituel. ^^
Tu réussis à le rendre cohérent alors que ben l'allusion à l'amitié entre Mme Pohlen et Anna fait quasi même pas une page.

*applause*

(no subject)

Date: 2010-05-04 06:35 pm (UTC)
From: [identity profile] chibi-usagui.livejournal.com
C'est très beau !
C'est vrai que le pairing n'est pas évident !
Pourtant, cela s'imbrique parfaitement avec le tome.
Et puis, " la frontière de la vie " a toujours été mon tome préféré ^^
Merci de nous régaler avec Yoko Tsuno !

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