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Titre : De la non nécessité du bonheur.
Auteur : KTL
Jour/Thème : 24 août - Embrasse-moi + Sablier
Fandom : Original
Rating : PG-13 à R, parce que c'est pas très sympa, tout ça, tout de même.
Warnings : Sous-entendus pas très sous-entendus sur l'acte sexuel.
Participation au vote de fin de mois : oui.  

         « -Embrasse-moi. »

         Les mots volent et se plantent dans leur chair à tous les deux, s’enfonçant à chaque respiration, à chaque regard, à chaque geste. Les mots entre eux sont des poignards, des rasoirs qu’ils aiment à promener sur la peau de l’autre, des lames qui font saigner.

         « -Embrasse-moi. » répète-t-il, et elle entend ce qu’il ne dit pas, elle entend les morsures, les coups, les plaies. Et elle sait qu’elle ne résistera pas et qu’ils en souffriront tous les deux. Et elle sait qu’elle n’aurait pas dû venir, qu’il est trop tard, beaucoup trop tard pour briser là leur guerre.

Il passe la main sur son visage et elle ferme les yeux. Aucun d’entre eux ne sourit, ils ne se sont presque jamais souri, ils n’ont presque jamais ri ensemble, ils ont toujours été d’un sérieux imperturbable qui les étouffe plus que n’importe quel fou rire et qui les laisse plus épuisés et plus vides que n’importe quel moment de bonheur - qui leur fait du bien et qui leur fait du mal.

Il caresse sa joue avec son pouce, lentement, et puis le fait glisser sur ses lèvres qu’elle entrouvre, avec la douceur des débuts et des fins.

Embrasse-moi, a-t-il dit, mais c’est lui qui l’embrasse, et ce baiser trop délicat leur fait mal, car ils ne se reconnaissent pas là. Car ils ne peuvent pas s’aimer sans se blesser - car entre eux le verbe aimer est une erreur d’appréciation et la passion un euphémisme.

On leur a toujours dit qu’il fallait que cela cesse. Dès leur rencontre ou presque, dès les premiers mots, dès le premier baiser, il s’est dressé entre eux des murs immenses qu’ils ont détruits sans même les voir, fonçant dedans quitte à se casser des os, quitter à y laisser des morceaux d’eux-mêmes, quitte à perdre irrémédiablement toute possibilité d’un retour à la normale. Ils s’en foutaient, de la normale, et ils s’en foutent toujours, au fond. Ils se foutent de tout, ils se veulent, encore maintenant, ils veulent le corps et l’âme de l’autre, pas le cœur car le cœur n’est rien d’autre qu’un morceau de chair inutile et sanguinolent, mais tout le reste. Ils ne s’aiment pas, ou alors ils s’aiment au point de se haïr, mais ça n’a pas d’importance : quand leur peau se touchent ils oublient tout le reste. Que pourraient-ils bien y faire ? Rompre ? Mais rompre quoi ? Leur lien est aussi charnel qu’évanescent - il les tient l’un contre l’autre mais jamais ils ne peuvent le saisir, et tant pis, tant mieux, ils souffrent, ils font souffrir les autres, ils ont mal, ils jouissent et tant pis pour eux, tant pis pour les autres, tant pis pour tout le monde. Ils s’en foutent. Ça n’a jamais été exprimé, jamais été dit à haute voix par qui ce soit, parce que ça fait trop peur, parce qu’ils n’entrent dans aucune case, parce que ça va les détruire ; mais, parce que ça n’a jamais été dit, ça n’en n’existe que davantage.

         Il l’embrasse et déjà le temps s’accélère. Leurs mains sur le corps de l’autre, les murmures et les cris - les murmures et le cri.

Mais ce n’est pas fini. Ce n’est jamais qu’un instant de repos, une seconde un peu trop longue, des caresses qui les laissent impatients et assoiffés.

Et à nouveau leurs désirs se heurtent et se mélangent. Et toujours, toujours, les secondes s’étirent et s’écourtent, le temps ne s’écoule plus de la même manière, comme un sablier cassé laisserait ses grains s’échapper peu à peu, lentement mais sûrement, comme ils perdent la raison au contact de l’autre.

Elle se serre contre lui et il promène sa main dans ses cheveux.

Ce n’est pas aujourd’hui qu’ils mettront une fin à leur guerre, mais ils s’en foutent, et elle sait qu’elle n’est pas venue pour ça, que ce n’était qu’un prétexte pour le toucher et pour qu’il la touche. Et elle sait que les grains du sablier filent peu à peu entre ses doigts et qu’elle ne les rattrapera jamais - et elle sait que déjà il n’en reste plus assez pour réaliser un autre rêve que celui d’être avec lui et de le blesser jusqu’à ce qu’ils en meurent.

Et déjà elle sait que ce rêve-là se réalisera, parce qu’il n’y a plus suffisamment de grains pour fuir et qu’il n’y en a jamais eu autant qu’il leur en aurait fallu pour être heureux.

Elle se serre contre lui et il promène sa main dans ses cheveux. Et, parce qu’elle sait que c’est peut-être son dernier instant de calme, son dernier grain de bonheur, elle l’apprécie bien plus que n’importe qui d’autre n’en serait capable.

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