ext_130622: (yoko khâny)
[identity profile] ylg.livejournal.com posting in [community profile] 31_jours
Titre : grain de sable
Auteur : ylg
Jour/Thème : 20 août/ici et maintenant + sablier
Fandom : Yoko Tsuno
Personnages/Couple : Monya, Yoko
Rating : G
Disclaimer : propriété de Roger Leloup, je ne chercher pas à me faire de sous avec.
Participation au vote de fin de mois : peut-être pas.
Note : co-écrite pour [livejournal.com profile] yuri_a_tt_prix, thème : « Viens, je t'emmène>

***


Monya n'a pas de passé qui lui serve de point d'attache. Elle n'a plus de souvenirs de sa mère, elle n'a connu qu'une enfance enfermée dans une minuscule station spatiale, avec son cher papa et le bel assistant Leyton. S'il était resté assez longtemps à leur côté, elle aurait peut-être pu grandir pour s'en enticher, mais non, il a disparu dans le temps quand elle avait sept ans. Restait le bonhomme au bois dormant dans son cercueil de verre qu'elle n'a pas vu bien longtemps éveillé, et celui-là elle ne l'a jamais, jamais aimé. Elle n'en a pas eu la moindre occasion.
Son père l'a quittée trop tôt. Elle s'est retrouvée à devoir attendre, seule, encore six ans de plus dans ce laboratoire désert, flottant dans l'espace noir à côté d'une boule feu... et n'a pas supporté cette perspective. Certes, elle était tout à fait capable, techniquement, de se servir de la navette pour repérer les ruines d'autres stations et aller y "faire ses courses", de survivre... mais cela l'effrayait bien trop. Elle était désormais la dernière terrienne en vie, mais n'ayant jamais mis les pieds sur terre, née dans l'espace. Elle se trouvait dans la solitude la plus complète qui soit.

On lui a appris des contes et des histoires quand elle était petite. D'abord des langues anciennes, et quantité de science, pour survivre ici et pour un jour sauver la terre, mais aussi d'autres connaissances plus "futiles", pour pouvoir grandir, et vivre dans un monde en paix une fois leur mission réussie. Son père lui a soufflé à quoi ressemblait la terre autrefois, des récits de naufragés, des histoires de bonnes et de mauvaises fées... elle pensait que ça suffirait à comprendre le monde qui l'attendait.

Et elle est partie seule, vers l'inconnu.


Sur place hélas, elle n'a pas trouvé ce qu'il fallait. Elle-même n'était pas celle qu'il fallait non plus. Mais elle a trouvé aussi cette dame qui a accepté son histoire et lui a tout de suite offert son aide.
Une dame... he oui. Pour les quatorze ans de Monya, l'âge adulte de Yoko, première femme qu'elle rencontrait depuis sa toute petite enfance, depuis que sa mère l'a éloignée d'elle, c'était quelque chose qui l'impressionnait sensiblement. Yoko était pourtant encore bien jeune elle-même... et Monya se croyait déjà adulte. Et pourtant, quelle distance elle a cru exister entre elles deux ! Indépendamment des près de vingt siècles qui les séparaient, et pesaient différemment, inconsciemment.


Yoko donc n'a pas fait beaucoup de difficultés à accepter l'histoire de Monya. Elle l'acceptée totalement. Elle a accepté de l'aider aussi, et a même demandé son aide en échange, qu'elle l'emmène encore plus en arrière dans le temps ! Sans hésiter, elle l'a emmenée.

Yoko l'a aidée à sauver un futur qui ne deviendra du coup jamais le sien et lui a en plus offert un nouvel avenir, et une famille. Monya Ishida, tel est son nom désormais. (D'Ishida Izumi à Tsuno Masako : ma chère cousine, vois-tu, ta fille a trouvé une fillette -ah pardon, une jeune fille- perdue dans la jungle, orpheline. Elle s'en est entichée et ma femme aussi. Nous avons désormais une fille. Yoko sera ravie de te la présenter.)
Elle a désormais sous les pieds une Terre solide et inconnue qui s'offre à elle, un passé à explorer, un présent à construire.


Le translateur utilisé par Leyton et Stanford qu'elle a emprunté n'a pas survécu à cette expédition. Celui par lequel elle est venue, seule sans son père, depuis, puisque c'est tout ce qui lui reste de son passé à elle et d'un futur qui ne viendra plus jamais, elle l'emprunte encore et encore. Discrètement, pense-t-elle. Sans changer le cours de l'histoire, par petites touches.

Elle a commencé par explorer juste le temps, puis au fil de ses voyages, a perfectionné aussi ses déplacements dans l'espace. Bornéo, Java, l'Indonésie, et plus loin encore. Toutes les époques.

Peut-être juste parce qu'elle est la première humaine qu'elle a rencontrée dans son nouveau présent, sans doute surtout à cause de la première aventure qu'elles ont partagée ensemble, Monya fait absolument confiance à Yoko et elle est la première qu'elle associe à ses voyages à travers le temps en cas de besoin. Qui d'autre pouvait-elle appeler au secours quand ses actions eurent dérapé ?
Yoko n'hésite jamais quand Monya lui propose de l'embarquer dans un de ces voyages. Il leur arrive de s'opposer sur des détails mais au final, l'une comme l'autre ont toujours autant envie de partir vers l'inconnu. Laquelle emmène l'autre, c'est accessoire. Un mot, et elles partent.


Depuis leur aventure au « Matin du Monde », Monya a mûri et s'est faite plus prudente. En apparence en tout cas. Toutes deux, Yoko et elle, ont tout de même gardé cette fâcheuse habitude de ramener, pire que des objets du passé, des personnes dans le présent. Narki qu'elles ont déposée plus loin dans le temps. Plus tard, Mieke pour Pol, puis Sin Yi pour Lin Po, et elles ont failli emmener Mei Li également. Folie eût-ce été !
C'est moins dangereux, certes, que de laisser des personnes du présent dans le passé. Ça, ç'aurait été catastrophique. Le Marquis de Torcello qui voulait s'y faire ramener -quoi que Monya, pas plus que Yoko, ne l'aurait pas laissé faire, elle comptait l'assommer et le ramener aussitôt au présent- ou bien Lin Po qui voulait y rester auprès de Sin Yi vivante...

D'expédition en expédition, elle mesure de plus en plus les conséquences possibles de ses actes. Elle procède désormais avec plus de circonspection... mais ne pourra jamais s'empêcher de retourner dans le temps. Et une fois sur place, d'être si passionnée par ce qu'elle y trouve, qu'elle veuille à chaque fois en remporter des traces avec elle.


Monya avait commencé par chasser des preuves du patrimoine artistique de son pays d'adoption, puis, devant le fiasco déclenché en 1350 par ses explorations, a renoncé pour un temps. Mais elle s'y est remise finalement : à chaque voyage, retournant au présent, elle et ses compagnons d'aventure emportaient souvent, la plupart du temps plus ou moins par mégarde, des objets appartenant à l'époque visitée, et qu'elle gardait ensuite comme souvenirs plutôt que de risquer de les laisser entre de mauvaises mains une fois de retour au présent.
Un bijou ici, une babiole là, un animal une fois, et elle préfère ne plus compter les personnes humaines que les circonstances l'ont amenée à déplacer dans le temps.

C'est toujours sous couleur de bien qu'elle le fait. Dernière lubie en date, pour elle qui passe sa vie à courir d'un bout à l'autre du temps : la notion justement du temps lui-même à travers l'histoire. Elle pense cela fort raisonnable au demeurant : une telle ligne d'étude ne pourra que la forcer à rester sérieuse lors de ses escapades temporelles.

Pour mesurer le temps Monya avait à l'origine l'habitude des cadrans numériques ; c'est ce qu'elle connaît depuis toujours : les premiers qu'elle a vu autrefois, « dans longtemps », le reste n'existait plus.
Elle a appris les montres, aussi, avec leurs aiguilles qui tournent, tournent, tournent en rond, repassent le même chemin indéfiniment avec que la vie s'écoule, et le cercle qu'elles tracent lui rappelle la spirale que son père a déchiffrée.
Dans divers passés elle a croisé des cadrans solaires, imparfaits, dont l'utilisation varie au cours de l'année, et ne fonctionnent que par beau temps.
Mais le sablier ? Cet objet l'intrigue.

Les historiens et les archéologues disent que son existence est prouvée à partir du 14ème siècle, quoi qu'on soupçonne qu'il ait été inventé en de nombreux endroits bien avant. Un jour peut-être, elle ira chercher des preuves de ce qu'ils avancent.

De tout ce qu'elle connaît des objets du passé pour mesurer une durée, c'est le seul qui soit réutilisable, la seule manière de symboliser le temps qui s'écoule avec le présent pris entre passé et futur.
Il mesure une durée précise sans la subdiviser, seulement si on le surveille, et n'indique pas le temps exactement, il ne renseigne en rien sur l'instant présent. Il n'a pas l'air très efficace mais le principe la fascine : comme la neige qui tombe ou le feu qui crépite, ces étranges spectacles qu'elle n'a découverts qu'adolescente. À mesure que les particules de sable s'écoulent, il transforme le passé en futur – à moins que ça ne soit l'inverse ? Pour elle, les deux sont tellement entremêlés... il suffit d'un petit geste de la main pour les inverser.

Elle a peut-être trouvé  cette image qu'elle utilise là dans un livre ? un livre lu dans le passé, sans doute... elle ne sait plus ni où ni quand précisément, tellement elle mélange lieux et époques.
Un tour de sablier et le grain coincé au présent se perd complètement ailleurs, impossible de le retrouver ensuite. Dans cette minuscule tempête de sable, les instants se trouvent tous mélangés, interchangeables, réutilisables. Elle s'est promis de ne jamais chercher à modifier le cours du temps, pourtant. Cet objet étrange lui rappelle combien l'équilibre entre époques est fragile ; dès qu'on se mêle de toucher à l'une, on pourrait bien facilement chambouler toutes les autres.


Quand elle part en solitaire, le sablier, cet objet surtout ornemental, pourrait bien lui devenir utile. Il faut qu'elle calcule, avant de partir, le temps nécessaire dans le présent à la dématérialisation du translateur, puis à sa rematérialisation au moment de son retour. Quand elle quitte son présent, sa maison, ses parents adoptifs, elle doit faire attention à ne pas rester partie trop longtemps, pour ne pas risquer d'être découverte quand elle n'est pas supposée s'en aller dans le temps, mais elle doit aussi accorder suffisamment de battement à son engin pour qu'il ne se percute pas lui-même en voyageant. Un sablier de cinq minutes, un tour donné avant de partir, et si sa petite expédition d'exploration se déroule bien, elle sera de retour avant que les derniers grains ne se soient entièrement écoulés.


Bien sûr, cela n'est valable que pour les petites escapades... les grandes aventures dans lesquelles elle entraîne parfois Yoko -ou dans lesquelles Yoko l'entraîne- à l'improviste ont tendance à déraper et à faire fluctuer le moment de leur retour. Dans des instants pareils, elle n'a jamais le temps de s'offrir le luxe d'utiliser un tel artifice romanesque et elle s'en réfère de nouveau à ses bons vieux compteurs digitaux.


Revenant d'un de ces voyages mi-fantastiques mi-catastrophes, il arrive quand même qu'elles se fassent tancer pour leur manque de prudence.
Alors que Yoko et Izumi lui ont offert un endroit et une époque où vivre, où s'ancrer, Monya est incapable de rester en place.

Monsieur et Madame Ishida ne veulent pas lui briser les ailes mais lui rappellent qu'elle a désormais un endroit où se poser, un ici et maintenant, auquel elle appartient, dont elle peut partir à volonté...
mais surtout auquel elle peut revenir.

Encore et encore, elle décolle de cet endroit, entraînant souvent Yoko à sa suite. C'est avec elle qu'elle préfère voyager. C'est plus rassurant de l'avoir à ses côtés.
Mais chaque fois qu'elle revient, elle savoure pleinement la chance qu'elle a, d'avoir ce nouveau point d'attache. Si c'était seule, le fait de retrouver sa place dans la famille de Yoko lui rend cet endroit et cette époque encore plus chers. Si c'était avec elle, elle est heureuse de la rendre saine et sauve à sa vie normale ensuite, elle se sent fière d'elle de les ramener à bon port envers et contre tout.

Le petit grain de sable qu'elle est jouera encore souvent à se perdre dans la tempête du temps, sablier ou non. Peut-être un jour tout cela tournera mal et finira-t-elle sur la plage d'une île déserte ou bien prise dans un mandala dont le dessin lui échappera. Mais d'ici là, elle a toujours confiance en elle-même, en Yoko et en la mémoire de son père laissée dans le translateur. Encore et encore, elle relance la roulette du temps.

L'ici et le maintenant dont elle bénéficie sont tellement plus appréciables parce qu'il y a des ailleurs, des autrefois et des « un jour ».

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