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[identity profile] aellane.livejournal.com posting in [community profile] 31_jours
Titre = Hic et nunc
Auteur = Aélane
Jour/Thème = 20 août / ici et maintenant
Fandom = Supernatural
Disclaimer : pas à moi, série créée & inventée par E. Kripke et son équipe (diffusion US : CW – diffusion française : M6 & cie)
Personnages = les Winchester + un chouïa de Bobby
Rating = PG
Participation au vote de fin de mois = non


Parfois, il aurait aimé pouvoir fuir, fuir se réfugier sous la voiture. Le front froncé à force de tenter d’avoir les yeux clos le plus hermétiquement possible. Les oreilles bouchées par les bouchons de pros, récupérés l’été dernier auprès de Johnny du camp paramilitaire que son père aimait peu, bien que ce soit un vét, tout comme lui, quoique absolument pas comme lui, avait-il insisté, à voix basse, pendant que Sam roupillait à l’arrière de l’Impala.
Dormir sous le même toit, rompre ensemble le pain, mettre en commun leurs connaissances, s’entraîner l’un l’autre, avoir failli crever dans des rizières similaires face aux mêmes ennemis, rien de tout cela ne voulait pas dire qu’on était les mêmes gens. Billevesées de communautés, évangélistes, suprématistes ou hippies, ils croyaient savoir, ils prétendaient savoir, alors qu’une famille, une vraie famille, c’était différent. Aussi différent qu’un homme et un démon.
Le souci, c’était que Dean s'était parfois senti déjà en enfer, à toujours se creuser les méninges pour éviter que son père ne sente le besoin d’asseoir son autorité à table, Sammy celui de la contester, à subir palabres sur palabres jusqu’à ce que tout son argent durement gagné au bar du coin passe en pots-de-vin divers et variés. Une tenue de foot ou une inscription à la bibliothèque du quartier, un livre de recettes pour essayer en cachette de retrouver la saveur du gâteau au fromage blanc de Maman. Mais le pire restait d'avoir eu à remplir les silences hostiles en baratinant pire qu’une gonzesse sur tout... enfin... non... Point d’école, de notes, de sorties, de club de foot, de toute activité parascolaire tant qu’on y était. N'évoquons pas chasse, prochaine chasse, ancienne chasse, entraînements, ni l’argent s’amenuisant au fond du pot de sucre ébréché. Sans oublier le tabou des tabous : l’imminence de leur déménagement à la cloche de bois…

Parfois, il se demandait, si, avec les yeux et les oreilles ainsi fermés, il serait enfin arrivé à ne pas percevoir à quel point son frère et son père avaient refusé de vivre ensemble. Refusé de comprendre, de reconnaître, d’accepter qu’ils étaient du pareil au même. Des putain de têtes de mule qui s’obstinaient à rester éternellement malheureux.
Bobby avait comparés son père et son frère à Janus, une fois, une seule fois. Il avait protesté avec la plus grande véhémence, bien sûr. Il avait même sciemment accusé Bobby, avec la plus mauvaise foi imaginable, d’employer son latin de professeur pour ne pas avoir à lui dire en face que sa famille était des enculés de première. Et le terme « lâche » lui avait peut-être échappé. Oui, ce soir-là, c’était lui, Dean, qui avait été bel et bien un enfoiré de première.
Il avait refusé d’avouer qu’il avait claqué la porte pour mieux se précipiter sur le premier dictionnaire venu. Pour vérifier. Il avait refusé de s’avouer qu’il pensait la même chose, que l’un vivait dans le futur, l’autre dans le passé, et que jamais au grand jamais ils ne regarderaient dans la même direction, tendus ensemble vers le même idéal.

Sammy appréhendait le monde… parce qu’une telle formule pompeuse lui allait comme un gant. Il appréhendait fichtrement son fichu monde à travers le filtre ultra-spécial de l’après. Après le prochain repas. Après leur départ de la ville où ils venaient de s’installer. Après leur série d’abdos et de pompes. Après l’abandon des amis qu’il n’avait pas encore. Après sa montagne de A+ sur son bulletin. Après avoir demandé la main de la mignonne Susan à qui il n’osait toujours pas adresser la parole en cours. Après ses 18 ans. Après son maudit dossier d'inscription. Et, non, Sam avait pu éructer ce qu’il voulait, non, non, ça n’avait rien de naturel, de si normal. C’était juste… ou alors tous les madame monsieur tout-le-monde étaient des cons finis, malheureux à force de toujours penser à ce qu’ils achèteront peut-être ou peut-être pas, avant même d’avoir le compte en banque pour.

L’avant en revanche, ce temps qui avait toute la saveur d’un jadis, de cet âge d’or irrémédiablement enfui qu’on cherchait certains jours à entrapercevoir au fond d’une bouteille, seul cet avant semblait avoir grâce aux yeux de leur père. Nul gâteau n’était aussi goûteux que ceux de Mary Winchester. Nulle maison ne pourrait remplacer celle qui avait brûlé. Nul bonheur ne pourrait plus être trouvé, car la quête de leur père, leur quête, ne lui apportait que souffrance. À la peine de se remémorer jour après jour s’ajoutait celle de l’amoncellement des fausses pistes, de l’échec à dénicher jusqu’à l’espèce du ou des meurtriers. Il avait longtemps espéré qu’une fois sa quête achevée, leur père retrouverait quelque chose de son sourire, de cette joie qui avait bercé son enfance. Depuis le départ de Sammy, il n’en était plus si sûr.

Ce n’était pas leur faute, ça c’était sûr. Ils étaient comme ils étaient. Et c’était lui qui n’avait pas réussi à leur faire voir qu’ils se fourvoyaient à se morfondre, le dos tourné. Il n’avait pas réussi à leur montrer, par l’exemple, à quel point vivre dans le présent, tous ensemble, les rendrait heureux.
Il ne s’agissait pas d’oublier la mort de Mary, mais de se focaliser sur les gens qu’ils venaient de sauver en éliminant le fantôme de leur arrière-grand-tante, sur les délicieux gâteaux au fromage blanc de leur voisine, si reconnaissante d’avoir encore la peau sur les os, sur la joie de reprendre la route ave le sentiment du devoir accompli.
Il ne s’agissait pas de nier le futur, au contraire, la route s’étalerait toujours devant eux, pleine de tous les possibles. Une nouvelle chasse se profilerait toujours à l’horizon. Projet après projet, ils pourraient aussi construire quelque chose. Être des héros. Une famille de héros. Ce qui n’était pas rien. Cela valait bien mille résidences au gazon impeccable, un million de trophées de foot et tous les diplômes du monde. Car il n’y avait pas que la croisade contre celui qui avait tellement brisé les siens qu’il s'était presque tué à la tâche pour maintenir vaille que vaille les morceaux ensemble, même si ce n’était plus qu’une grotesque forme où l’on y reconnaitrait à peine celle d’antan, les yeux fermés, les oreilles bouchées. Cela avait été quelque chose. Ils avaient été heureux.

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