8 juin - la mort dans l'âme - HP

[nadirha.livejournal.com]

Titre : Conversion
Auteur : nadirha
Jour/Thème : 8 juin/la mort dans l'âme
Personnages : Severus Snape, Lily Evans
Rating : PG
Disclaimer : L'univers appartient à JKR et à des ayant-droit divers.
Participation au vote de fin de mois : non

« Sev ! Sev ! Regarde, j'ai reçu ma lettre ! C'était vrai, tout est vrai ! J'ai été acceptée ! »

Lily avait déboulé dans le bosquet où ils avaient l'habitude de se retrouver, haletante, les joues rosies par l'excitation. Elle avait directement sauté au cou de Severus, manquant de les faire tomber tous deux à terre. Mais le jeune garçon n'avait pas émis la moindre protestation, et s'était contenté de serrer son amie dans ses bras sans rien dire, moins expansif mais empli d'une émotion au moins aussi profonde. Lorsque Lily s'était reprise, il ne l'avait relâchée qu'avec regret. Rassemblant alors son courage, il s'était finalement risqué à poser la question qui le préoccupait, avec un sourire un peu incertain.

« Nous resterons amis, n'est-ce pas ?
— Bien sûr ! Nous le serons toujours !
— Même si nous n'allons pas dans la même Maison ?
— Sev, tu es bête, il ne faut pas que tu t'inquiètes ! Nous serons toujours amis, c'est promis !
— Toujours ?
— Toujours ! »

Rassuré, et un peu gêné, Severus avait ensuite changé de sujet. Les deux enfants avaient ensuite passé de longues heures à discuter avec enthousiasme de ce qu'ils allaient pouvoir apprendre ensemble une fois à Poudlard, impatients de faire leur véritable entrée dans le monde magique.

***

Durant une semaine entière, Severus persista. Chaque jour, après les cours, il chercha à voir Lily. Il voulait se faire pardonner. Une amitié telle que la leur ne pouvait être brisée aussi facilement, à cause de paroles inconsidérées prononcées sous l'emprise de la colère et de l'humiliation, totalement détachées de ce qu'il pensait, Lily le savait ! Elle le savait, forcément, ils en avaient tant discuté ! Sûrement, sûrement, une fois le choc passé, elle serait disposée à lui pardonner.

Mais Lily continuait à l'éviter, refusait même de croiser son regard. Lorsque finalement, en désespoir de cause, Severus alla se planter à proximité de l'entrée de la salle commune des Gryffondor, se soumettant aux moqueries et aux insultes des Rouge et Or sans broncher dans la seule intention d'être autorisé à présenter ses excuses, ce fut pour la voir passer devant lui sans daigner le remarquer, l'ignorant superbement.

A cet instant précis, il eut l'impression de sentir son âme se recroqueviller. Verrouillant son esprit, se parant d'un masque de dignité, il s'éloigna sans demander son reste. Il ne prêta même pas attention aux provocations triomphantes de Potter. Sa seule pensée, c'était que Lily l'avait trahi. En un instant, son monde avait basculé, et il ne comportait désormais plus le moindre semblant de paix ou d'harmonie.

***

« Alors ?
— Alors ? Alors quoi, Sev ? Tu pourrais quand même élaborer un peu tes questions, tu sais. Ne me dis pas que tu as déjà épuisé ton quota de mots de la journée ? Je suis certaine qu'il t'en reste encore au moins quarante-sept pour atteindre la cinquantaine ! »

Les poings sur les hanches, le nez en l'air, le regard impérieux, Lily avait semblé déterminée à ne rien dire tant qu'il n'aurait pas parlé. Aussi s'était-il plié à sa volonté, comme il l'avait toujours fait. Bien sûr, il avait poussé un soupir exagéré pour feindre l'agacement, mais il s'était senti bien trop soulagé pour s'irriter de l'autoritarisme de son amie. Car elle était toujours son amie, justement. Même si Lily n'avait jamais pris le temps de discuter avec lui plus de cinq minutes d'affilée avec lui depuis leur entrée à Poudlard, ils étaient toujours amis, sinon elle ne l'aurait pas taquiné ainsi.

« Alors, que penses-tu de Poudlard ? Du château en lui-même ? Des cours ? Des professeurs ? Des élèves? Des...
— Stop, stop ! C'est bon, ça suffit, je vais tout te raconter ! Alors... »

Sans se faire davantage prier, Lily s'était mise à babiller avec excitation, rapportant ce qu'elle avait pensé de ces deux premiers mois passés à l'école de sorcellerie. Profitant de leur isolement dans une salle désertée, Severus n'avait pas cherché à réprimer un sourire heureux : son amie était manifestement ravie de son entrée dans le monde de la magie. Et c'était ce qui comptait. Peu importait que sa propre expérience soit bien plus décevante, qu'il soit l'objet de brimades à la fois de la part des membres de sa propre Maison et de ceux de celle de Lily, qu'il soit ignoré par les professeurs, qu'il soit parfois oublié par Lily elle-même tellement elle se plaisait en compagnie de ses nouvelles amies. Il allait prétendre que tout ça n'avait aucune importance, il était très fort à ce jeu-là. Tant que Lily lui sourirait ainsi, le monde ne pourrait être complètement pourri.

***

Pendant les vacances d'été, Severus ne revit pas Lily. Malgré lui, il avait espéré, il avait pensé que peut-être, elle se raviserait, que peut-être, elle réaliserait qu'il n'avait jamais eu l'intention de la blesser, qu'il ne lui viendrait jamais à l'esprit de la dénigrer, qu'elle avait toujours été pour lui la seule personne qui comptait... Il avait espéré. Il savait pourtant que l'espoir ne menait à rien, que jamais les vœux ne se réalisaient.

Pendant toutes les vacances, Lily l'évita. Malgré lui, il s'interrogea. Si la situation avait été inversée, il était persuadé qu'il aurait au moins accepté de l'écouter, qu'il n'aurait pas laissé sa fierté se mettre en travers de leur amitié.

Il lui fallut se rendre à l'évidence. Cette amitié n'avait pas représenté pour Lily ce qu'elle représentait pour lui. Il pouvait le comprendre. Longtemps, il n'avait eu que Lily, tandis qu'elle, jolie et populaire, n'avait eu que l'embarras du choix en matière d'amis. Il pouvait comprendre. Néanmoins, il avait cru qu'il y avait entre eux un lien spécial. Manifestement, il s'était bercé d'illusions.

***

« Je ne comprends pas. »

Severus avait d'abord continué sa lecture, présumant que l'autre Serpentard ne tarderait pas à compléter sa pensée, mais aucun éclaircissement ne venant, il avait levé les yeux de son livre. Regulus, les sourcils légèrement froncés, avait laissé son regard fixé sur le lac. Constatant qu'il s'en tiendrait à cette déclaration s'il n'était pas sollicité, Severus s'était décidé à relancer son compagnon.

« Qu'est-ce que tu ne comprends pas, au juste ? Sachant que s'il est question des processus cognitifs de Rosier, je ne peux rien pour toi. »

Sans même esquisser un sourire, Regulus avait secoué la tête, avant de tourner son regard vers Severus.

« Toi. C'est toi que je ne comprends pas. Pourquoi la laisses-tu faire ça ? »

Soupçonnant à présent de quoi il retournait, car personne ne pouvait l'accuser de manquer de vivacité d'esprit, Severus avait à son tour froncé les sourcils, prêt à défendre avec véhémence celle qui avait longtemps été sa seule et unique amie. Mais d'un geste, l'héritier Black lui avait demandé de le laisser l'exprimer avant de l'interrompre.

« Je veux dire, ça ne te ressemble pas. Laissons de côté ma préoccupation concernant la pureté de son sang, je sais que nous ne sommes pas tout à fait d'accord à ce sujet. Ce qui me préoccupe, c'est ce que tu es prêt à accepter pour elle. La majorité du temps, elle semble à peine te remarquer, et pourtant, dès qu'elle a un service à te demander, tu t'exécutes sans rien négocier. Préserver cette amitié te cause les pires difficultés, entre la jalousie exacerbée de Potter et le mépris des Serpentard voyant d'un mauvais œil ton intérêt pour une sang-de-bourbe de la maison rivale, et pourtant, tu sembles n'avoir même pas envisagé de la dissimuler. Elle est l'archétype de tout ce que tu devrais détester, une petite fille gâtée qui n'a jamais eu à se battre pour obtenir quoi que ce soit, choyée par sa famille, naturellement douée, d'une beauté peu commune, tout lui a été donné sans qu'elle ait quoi que ce soit à demander, elle a usé et abusé de cet avantage, et pourtant, tu parais incapable de déceler en elle le moindre défaut. Je ne sais pas, mais... j'ai l'impression qu'elle profite de toi. Cette relation est trop déséquilibrée. Il y a quelque chose de malsain, j'ai peur que ça finisse par mal tourner. Et autant je souhaite que tu y voies plus clair, autant je ne voudrais pas que tu sois blessé. »

Durant un long moment, Severus avait fixé celui qui au fil des années était devenu son ami le plus proche, sans réussir à déterminer ce que devrait être sa réaction. Comprenant qu'il avait besoin de réfléchir seul, Regulus s'était relevé et avait pris le chemin du château après une dernière réflexion.

« Tu penses peut-être que tu lui es redevable, mais pourquoi ? Est-ce que tu estimes que son amitié est un don plus précieux que la tienne ? Crois-moi, tu vaux mieux que ça. Je suis bien placé pour le savoir. Il n'y a pas d'ami plus loyal que toi. Si elle n'est pas capable de le voir, elle ne te mérite pas. »

***

L'année suivante, Severus se montra plus asocial que jamais. Il se focalisa davantage encore sur ses études, profitant de son laisser-passer à la bibliothèque pour explorer des magies mal perçues. Rien ne le retenait plus. La compagnie de Regulus fut la seule qu'il accepta. Mais sans pour autant se montrer plus tolérant vis-à-vis d'eux, il ne chercha plus non plus à s'opposer aux autres Serpentard au sujet de la pureté du sang. Il n'avait plus de raison de le faire.

A la fin de l'année, il prit finalement la résolution d'oublier, de considérer que son amitié avec Lily n'avait jamais existé. Pour ce qu'il en savait, cette amitié n'avait jamais été qu'une construction de son âme assoiffée du besoin d'être accepté pour ce qu'il était. Il avait eu une vision déformée de ce qu'il en était. Mais à présent que son âme était asséchée, nul mirage ne viendrait le troubler.

Suite à la dernière plaisanterie de Potter et de ses Maraudeurs, il avait manqué être tué. Ses presque-meurtriers s'en tiraient avec des remontrances verbales et quelques heures de corvée. Ils reviendraient à Poudlard, et pourraient recommencer, nul ne chercherait à protéger Severus. Et Lily ferait comme si de rien n'était. En dépit de son mépris proclamé pour les préjugés, Lily penserait qu'il l'aurait mérité, que son traitement était justifié, parce qu'il est un Serpentard, parce qu'il y a de futurs Mangemorts dans son dortoir, parce qu'ils sont des Gryffondor, parce qu'au moins ils sont du côté du bien.

C'était terminé. Il mettait un terme à cette amitié qui lui avait trop coûté. Et plus jamais on ne l'y reprendrait.

***

« Nous resterons amis, n'est-ce pas ?
— Bien sûr ! Nous le serons toujours !
— Toujours ?
— Toujours ! »