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Jour/Thème : 16 Février – Un festin pour les corbeaux + thème du mois : double
Fandom : Original
Personnage : Juan ("Cuervo")
Nombre de mots : 1 450
Rating : PG-13
Warnings : intestins, évocation de cadavres mutilés, trucs comme ça...
Participation au vote de fin de mois : non
Note : Cuervo est un personnage d'un cauchemar qui, sans que je comprenne trop pourquoi, a décidé de rester dans mon cerveau... Comme il m'est sympathique, je l'ai laissé s'installer, et puis j'ai vu ce thème et je me suis dis qu'il était parfait pour écrire enfin sur lui...
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Juan s'essuya le visage et accorda un sourire indulgent à son reflet avant de quitter la salle de bain. Il n'était pas très beau et le savait. Rien de grave, il n'était pas laid non plus. Juste pas bien beau.
Son grand nez en forme de bec semblait dévorer tout son visage mat. A cause de ça, et à cause de ses cheveux noirs mi-longs, de ses grands yeux noirs arrondis et de sa manière de se tenir un peu vouté alors qu'il était déjà petit, la tête en avant, il ressemblait à un corbeau. C'est ce qu'on lui disait et c'est ainsi qu'on le surnommait depuis longtemps. Cuervo.
Cela ne le blessait pas. Il ne voyait pas ce qu'un corbeau pouvait avoir de péjoratif. Au contraire, il trouvait ces gros oiseaux noirs majestueux. Il accueillait ce surnom comme un compliment immérité. Il s'était promis qu'un jour, quand il aurait sa propre boutique, il aurait une enseigne en forme de corbeau et trouverait bien un quelconque jeu de mots avec corbeau (cuervo) et cuir (cuero).
A cette pensée, il sourit à nouveau, à l'avenir (si il n'était pas très beau, il avait un sourire adorable qui aurait suffit à séduire bien des gentilles filles), éteignit la lumière et sorti discrètement de l'appartement sans avoir réveillé son colocataire.
Il passa à la cave, pris le sac poubelle noir qui l'y attendait, le soupesa, hésita un instant puis décida de le renforcer d'un nouveau sac. Devant sa petite moto, il hésita à nouveau, ne sachant comment placer le sac pour le voyage. Il songea à aller chercher un sac a dos, puis se dis qu'il n'avait pas envie de remonter les escaliers et le cala contre son ventre.
Le soleil se levait paresseusement quand il quitta la ville. Il n'avait pas d'idée précise d'où il voulait aller. La campagne. Il trouverait bien pas trop loin un petit coin qui lui plairait.
Il trouva. Un petit chemin menant à un bosquet entre deux champs. Il voyait à travers la légère brune une colonie de corbeau posée sur le champ labouré. C'est son surnom, sans doute, qui l'avait fait penser aux corbeaux.
Il s'engagea quelques mètres sur le chemin, arrêta sa moto, enfonça son casque sur le dossier du siège arrière et retira ses gants de cuir beige.
Il les avait fait lui-même. Sa ceinture, le bracelet de cuir tressé qu'il portait au poignet, son portefeuille, contre son cœur, il les avait fait lui-même. De formation, de métier et de passion, il était maroquinier. Il travaillait pour l'instant dans un atelier, mais rêvait de plus d'indépendance. Si on l'interrogeait sur ses qualités, il répondrait avec honnêteté et modestie qu'il faisait un travail correct, ce qui était en dessous de la réalité. Juan était un excellent artisan, de ceux qui trouvent l'équilibre entre la technique et l'art, entre l'utile et l'agréable. Chaque sac à main, serviette, portefeuille, sous-main ou simple ceinture qui naissait entre ses mains était un objet à la fois parfaitement pratique, solide et beau, un de ces objets qu'on est bien heureux d'avoir payé le triple de son homologue de supermarché. Il accueillait les compliments qu'il recevait sur son travail avec un petit sourire reconnaissant mais n'en tirait pas de satisfaction particulière. Pas autant de satisfaction qu'en passant la main sur une pièce de cuir, avant de commencer à la couper.
Doucement, il s'approcha des corbeaux. Certains levèrent la tête et commencèrent à étendre leurs ailes pour s'envoler. Il s'arrêta et s'accroupit pour ne pas les effrayer. Ils s'apaisèrent. Il commença à défaire le nœud qui refermait le sac poubelle qu'il tenait à la main. N'y parvenant pas, sans s'énerver, il tira un couteau de sa poche et entreprit d'éventrer les trois épaisseurs de plastique noir. "Éventrer" était le terme approprié, car ce sont des intestins qui s'en déversèrent.
Des intestins humains, deux poumons en morceaux, un foie presque intact et à peu près tout ce qu'un corps humain contenait d'autre de rapidement putrescible, ainsi qu'un peu de graisse, quelques lambeaux de muscles et de rare chutes de peau. Le cerveau, non. Il y avait songé, c'était rappelé quelques lointains cours d'Histoire sur les égyptiens qui le sortaient pas le nez, avait essayé avec une tige de métal, puis un petit crochet, sans succès, et avait laissé tomber. Il n'avait pas voulu essayer d'ouvrir la boite crânienne et il n'avait aucun outil qui lui semblait approprié. Il nota mentalement qu'il devait se procurer une scie à métaux.
Le reste du corps, vidé, partiellement écorché, aux yeux crevés, il l'avait gardé dans un coin de la cave, comme un journal de la veille, un boite en carton, un instrument cassé qu'on se promet qu'on jettera bientôt mais qu'on garde encore quelques jours en se faisant croire qu'on pourrait lui trouver une nouvelle utilité.
Le contenu du sac rependu sur le sol, Juan se recula doucement pour laisser s'approcher les corbeaux. Ils semblaient hésitants. Il s'assit au bord du chemin, hésita un instant avant abandonner les sacs plastiques noirs au sol, s'alluma une cigarette, laissa les oiseaux prendre leur temps.
Ils commencèrent à se disputer quelques bouts de muscles. Il tira sur sa cigarette, paisible, infiniment calme, satisfait. La satisfaction d'une délicieuse première fois.
Ses amis, ses collègues, sa famille, n'importe qui qui le connaissait un peu, personne – personne n'y croira un seul instant quand la police viendra à le découvrir. Quoi ? Cuervo ? Juan ? Un maniaque ? Un tueur en série ? Impossible. C'est forcément un erreur, il doit y avoir une explication...
Quelqu'un d'aussi paisible, d'aussi souriant, modeste, serviable, gentil ne peut pas attraper une femme par les cheveux et lui cogner la tête contre une surface dure jusqu'à l'inconscience, ne peut pas crever méticuleusement les yeux de ses victimes avec un poinçon, ne peut pas dépecer ainsi des cadavres humains – non, pas des cadavres. La médecine légale parviendra à le déterminer, malgré l'état des corps : ils étaient vivants quand il les dépeçait. Vivants jusqu'au dernier instant, vivants jusqu'à ce qu'il leur ouvre l'abdomen et les vide comme des poissons, vivants des heures entières, bâillonnés et aveugles, ligotés sur une table ou pendu au mur comme des pantins.
Comment cet homme, petit et timide, sans passé trouble, ne sachant pas particulièrement se battre, d'une intelligence moyenne, sans connaissances pointues en anatomie, comment avait-il pu, sans rien lasser paraître, attirer et maitriser si facilement ses victimes, les torturer avec une telle méthode, les maintenir en vie aussi longtemps avant d'en finir de manière aussi ignoble ? Était-ce une explication suffisante, l'intelligence de la main d'un artisan méticuleux ? Était-ce une couverture suffisante, son sourire ? Juste un sourire pour ne pas avoir à expliquer ce qu'il avait fait la nuit dernière, et ce torchon taché de sang.
Tueur en série, il ne l'était pas encore, cette fille n'était que la première. Mais il continuerai, il progresserai, il passerai maitre, il n'avait pas de doute sur ce point.
Il passerait maitre et un jour, inévitablement, il se ferait prendre – cela lui importait peu.
Les journaux feront surement preuve de beaucoup d'imagination dans leur manière de le surnommer si "Cuervo" ne leur suffisait pas. On comparerait peut-être sa "face caché" à un insoupçonnable Mister Hyde. On lui inventerait peut-être une double personnalité.
Juan ne se sentait pas double. Il se sentait un et entier. Il ne s'était pas senti aussi bien depuis la première fois qu'il avait travaillé le cuir. Il redécouvrait le plaisir de commencer une activité qu'on se sentait né pour pratiquer, le plaisir de progresser, le désir d'atteindre l'excellence.
Il savait bien sûr, que sa nouvelle passion était illégal, mais après tout, les joins qu'ils se roulait de temps à autre étaient illégaux aussi, tout comme rouler sans son casque pour sentir le vent dans ses cheveux. Il n'était pas du genre à se priver d'un plaisir sous prétexte que la loi le désapprouve.
Il aurait aimé partager avec certains de ses amis la joie que c'était de sentir les muscles frémir sous son couteau. S'il n'en parlait pas, c'était surtout pour ne gêner personne. Et par pudeur, comme on peut taire l'infinie beauté d'une fille de peur qu'on se moque, ou de peur qu'on nous la vole...
Meurtre et maroquinerie. Une seule de ces deux activité lui aurait suffit à vivre une vie heureuse, mais les deux – les deux entremêlées ! Il avait la sensation que sa vie ne pouvait être plus complète. Et oui, les conséquences l'indifféraient. Oui, il était entier. Et il était bien.
Il sourit au corbeaux en plein festin, jeta son mégot d'une pichenette et se leva. La peau devait être bientôt sèche, il était temps de rentrer préparer le bain de tannage.