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phylia.livejournal.com) wrote in
31_jours2012-01-06 11:52 pm
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6 Janvier - la chute des anges - original
Titre :
Les conséquences de leurs actesAuteur :
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Jour/Thème :
6 Janvier/la chute des angesFandom :
original - Les Chroniques Des Clairs-ObscursPersonnage/Couple :
Sarah, Thalen, les anges, les enfantsRating :
NC-17Disclaimer :
à moi !Participation au vote de fin de mois :
ouiNotes :
Attention, scènes pouvant heurter la sensibilité. Mention de tortures, de viols et de meurtres.
Sarah vivait enfin. Elle se sentait littéralement renaitre après ces années à subir les humiliations constantes que la coure d'Hédir lui avait infligée. De bâtarde, démon, monstre et traitre, elle était devenue quelqu'un, elle était acceptée et respectée. Bien sur, elle restait différente des autres anges, mais elle était désormais l'un d'eux. Ils la considéraient comme leur sœur et l'avaient accueillie, et rassurée. Au début, cela avait été difficile. Elle n'avait pas su taire ses doutes et ses craintes, mais peu à peu, ils avaient pris le temps de lui montrer, lui expliquer et lui souffler qu'elle appartenait à leur congrégation.
Leur esprit commun, la Toile qui les liait tous mentalement l'avait enfin stabilisée. Les cauchemars incessants avaient pris fin, la peur des coups aussi et avec leur départ était revenu l'estime de soi et l'assurance. Elle s'était fait une place parmi eux. Elle était acceptée. Ils savaient tous à quel point cela comptait pour elle et combien elle leur en était reconnaissante.
Le matin, elle se levait par elle-même, enjouée à l'idée d'une nouvelle journée pleine de surprises plutôt que mortifiée en pensant à ce qu'on allait encore pouvoir lui faire subir. Elle rayonnait littéralement. Et il n'y avait aucune raison pour que ça ne dure pas. Quand on était ange, on le restait à vie. On le lui disait et le lui répétait constamment. La force de cette affirmation faisait échos à la solidité de leur esprit communautaire qui la réchauffait à chaque fois qu'un doute refaisait surface. Elle ne serait plus jamais seule.
La Vision était arrivée subitement, alors qu'elle se baignait. Elle l'avait paralysée. Tétanisée par la noyade, elle n'avait pas pu l'éluder de la Toile des esprits angéliques. Tous avaient donc pu la Voir aussi. Ils l'avaient sortie de l'eau, bien entendu. Mais le regard de son sauveteur n'avait laissé aucun espoir. Ils la reniaient. Ils ne pouvaient accepter ce qu'elle avait Vu et qu'ils avaient perçu eux aussi.
À cet instant, elle sut qu'il y avait des secrets, même chez les anges. Car ils reniaient. Ils offraient une vie paisible et faite de bonheur, mais si l'un d'eux outrepassait les limites, ils le reniaient et l'exilaient. Ils étaient navrés, bien sûr… mais ils étaient fermes.
Et elle avait beau avoir passé les heures qui suivirent à tenter de leur expliquer que ses Visions n'étaient que des possibilités de l'avenir, qu'elle n'était pas une meurtrière, qu'elle ne toucherait jamais des enfants… elle du faire face au rejet. Un à un, ils l'exclurent de la Toile. Sans la Toile, avec les accusations, avec la perte de son foyer, elle les quitta, la tête basse et le cœur gros.
Plusieurs mois avaient passé depuis qu'elle ne vivait plus parmi les anges. Elle foulait toujours la même terre, mais il lui semblait vivre sur un autre monde. Un monde plus rude, plus douloureux, beaucoup moins accueillant. Les premiers jours d'exil avaient été les plus durs. Elle avait cru mourir mille fois. Mais elle avait tenu, continuant à avancer, à se chercher un nouveau foyer. A construire le sien.
Et elle avait retrouvé Thalen. Il s'était montré heureux de la revoir. Très doux. Et dans ses bras, elle retrouvait le calme que les anges avaient pu lui offrir. Elle lui avait montré la Vision, de peur de devoir faire face à un nouveau rejet auquel elle n'aurait jamais pu survivre. Il avait regardé. Il était resté longtemps silencieux. Puis, il lui avait dit qu'il ne la jugerait pas pour quelque chose qui n'était pas encore arrivé et dont il ne connaissait pas les raisons. Si elle faisait vraiment ce qu'elle avait Vu, peut-être à ce moment-là serait-il temps pour eux de se séparer, mais pour l'heure, il l'acceptait pour ce qu'elle était. Et ça lui avait permis de survivre, de se dire que peut-être, quelque part, il y avait encore une place pour elle.
Mais elle n'oubliait pas l'absence et le trou béant dans son cœur et son esprit. Elle n'oubliait pas que les anges ne lui avaient pas laissé la moindre chance. Elle n'oubliait pas la Vision, l'horrible destin qui l'attendait. Elle aurait aimé qu'ils la soutiennent, qu'ils l'aident à comprendre pourquoi elle aurait pu en venir à un tel geste. Mais ils avaient préféré la laisser seule. La faire chuter.
Elle avait rencontré Lucifer depuis. L'ange était toujours là, ombre à peine tangible de ce qu'il avait été. Il lui avait expliqué que lui aussi avait chuté. C'était ainsi que les anges appelaient l'exil, le rejet éternellement douloureux de leur Toile. Il l'avait aidé à comprendre que les anges n'étaient pas au dessus des autres races. Elle avait du mal à y croire. Elle considérait toujours leur manière de vivre comme la plus acceptable et la plus harmonieuse. Mais l'exil faisait mal et il ferait toujours mal. Comme une chute sans fin.
Elle les avait appelés à l'aide. Quand la magie l'avait prise à la gorge, son esprit s'était instinctivement tourné vers eux. Ils étaient les plus proches, les plus puissants et les plus disponibles. Elle les avait suppliés.
Quand ils étaient finalement arrivés, plusieurs heures plus tard, son frère humain avait eu le temps de la trainer derrière son cheval pendant de longues minutes, de brûler son visage avec une délectation sadique et de l'attacher à des piquets, abandonnant son corps aux animaux et aux brûlures du soleil.
Les anges lui avaient sauvé la vie. Ils avaient envoyé trois des leurs pour la récupérer. Ils avaient attendu que le seigneur humain ait terminé son œuvre depuis des heures pour partir de chez eux et lui apporter de l'aide. Quand ils l'avaient trouvée, elle n'était plus qu'une masse de chaires meurtrie. Défigurée et amoindrie, ils l'avaient ramenée chez eux. Ils avaient pensé ses blessures en silence. Ils ne l'avaient pas veillée, ils la surveillaient. Pas un mot ne fut prononcé. Aucun ne s'excusa pour ce qu'elle avait subi et qu'ils auraient pu lui éviter. Et quand elle eut la force de marcher, ils la déposèrent à la frontière de leurs terres avec un morceau de pain et une gourde d'eau. Qu'il faille cinq jours pour rallier la ville la plus proche ne les inquiétait pas.
Elle ne dut son salut qu'à la présente de Thalen, une fois de plus, qui répondit à son appel sans la moindre hésitation, abandonnant tout ce qu'il faisait dans la seconde.
Les jours passaient. Les enfants qu'elle avait adoptés grandissaient. Ils considéraient Sarah et Thalen comme leurs parents. Le couple de vampires leur avait appris l'indépendance et l'union. Ils vivaient tous en harmonie. Il n'y avait pas de vraie Toile entre eux. Mais ils avaient crée une sorte de nœud qui liait toute la famille étroitement. Ils parlaient autant mentalement qu'à voix haute.
Sarah considérait sa famille comme sa seconde chance. Elle aurait tout fait pour eux parce qu'ils étaient tout pour elle. Quand ils décidèrent d'aller s'installer aux croisements des cinq frontières, ce fut avec naturel qu'ils adoptèrent un orphelin mi-ange mi-elfe. Cela relia quelques amitiés avec les anges, mais ils restaient distants avec elle. Ils n'oubliaient pas la Vision même si cela datait désormais. Non, les anges ne pardonnaient pas… pas même les fautes qui n'avaient jamais eu lieu.
Cela se produisait. Elle n'arrivait pas à le réaliser.
Ce matin-là, elle était allée en ville pour acheter du lait et du fromage. Ils étaient à cours et les enfants qui en raffolaient en réclamaient depuis deux jours. Voulant leur faire plaisir, elle était partie au lever du soleil vers la ville. En entrant dans le premier hameau sur la route après la traversée de la forêt, elle sentit aussitôt la mort et le sang. Sur ses gardes, elle avait parcouru les rues à la recherche de survivants sans en trouver. Les hommes étaient pendus au centre des habitations. Les corps des femmes étaient laissés à l'abandon, outragés, dans les rues. Mais ce qui l'avait pétrifiée d'effroi, c'était les regards des enfants. Des regards dans lesquels la terreur, la douleur et l'horreur de leur agonie restaient gravées. Ils avaient été écorchés et dévorés vivants.
Retenant un haut-le-cœur, elle avait cherché des traces de ceux qui avaient fait cela. Ils avaient déjà sévi dans la région l'année passée et toute la famille en avait été témoin. Il ne lui fallut pas longtemps pour identifier une bande de mercenaires qui vivaient dans la région. Et les traces se dirigeaient vers l'Est… de là où elle venait. Son cœur manqua un battement dans sa poitrine. La fumée de la veille devait être celle de leur campement dans la forêt. Bien trop près de leur demeure pour qu'ils la ratent. Elle avait alors lancé sa monture à tout va pour retourner sur ses pas.
En traversant la forêt, elle les avait perçus. Elle priait pour arriver avant eux. Mentalement, elle lança un appel à l'aide aux alentours. Les elfes le captèrent, mais il leur faudrait une journée pour les rejoindre. Il serait trop tard. Les hommes-mages étaient plus près, mais encore trop loin pour leur venir en aide à temps. Restaient les anges, juste à côté, certains pouvaient même arriver avant elle à la chaumière. Ils entendirent son appel, elle le sentit. Ils écoutèrent, elle parla des enfants. S'ils ne voulaient pas l'aider elle, qu'ils viennent en aide aux enfants au moins. Puis, ce fut le silence.
Elle pensait qu'ils seraient là, prêts à emmener les enfants quand elle arriverait. Mais elle trouva la chaumière comme elle l'avait laissée : silencieuse, insouciante et endormie. Elle alerta Thalen. Ils s'armèrent et armèrent les enfants. Ceux qui étaient en âge de tenir debout connaissaient les rudiments, mais ils n'auraient aucune chance contre des mercenaires surentrainés. Elle appela à nouveau les anges, mais se heurta au silence. Les enfants avaient compris le danger, ils avaient même identifié la menace. Leurs amis des villages alentour leur avaient parlé de cette troupe. Et tous savaient qu'il valait mieux mourir que de rester cinq minutes entre leurs mains. Sarah et Thalen étaient fébriles. Ils sentaient les hommes approcher, chahuter et jubiler. Ils les avaient repérés, ils avaient senti leur magie. La famille était leur prochaine proie.
Sarah savait qu'ils n'avaient aucune chance. Le visage de Thalen était couvert de larmes. Mentalement, tous avaient en tête les cadavres de l'année dernière, retrouvés de la même manière comme Sarah avait vu ceux de leurs voisins ce matin-là. Toute la famille les avait vus l'année précédente et en était encore profondément choquée. Les enfants s'exprimèrent dans un seul bloc, sans mot, suppliant leurs parents de leur épargner ce traitement. Mais, impuissants, les deux vampires ne savaient plus quoi faire à part les réconforter en attendant l'inévitable.
Ce fut le plus jeune qui leur demanda clairement de mettre fin à ses jours. Thalen et Sarah n'eurent pas le temps de refuser, même si l'idée les répugnait. Les autres suivirent. Tous préféraient mourir paisiblement de la main de leurs parents plutôt que de subir les horreurs qui arrivaient vers eux. Il y eut un moment d'abominable silence.
Cela se produisait, elle n'arrivait pas à le réaliser.
Les anges ne seraient pas leur salut. Les mercenaires entouraient maintenant leur petite chaumière, les chevaux piaffant d'impatience. L'odeur de la paille brûlée leur parvint juste avant que la fumée, noire et étouffante ne commence à envahir la maisonnette. Thalen se rapprocha de sa compagne. Ils fixèrent leurs enfants une dernière fois. Puis, Thalen entra dans leurs esprits, leur montrant une journée calme et pleine de douceur. Sarah, ombre fugitive, profita de cet instant de rêve offert par leur père pour se déplacer sans un bruit. Et un à un, elle égorgea ses enfants sans qu'ils ne se rendent compte de rien. Elle ressentit la douleur à leur place, les laissant sombrer vers la mort avec le sourire aux lèvres alors que l'odeur du sang envahissait la pièce, à peine masquée par celle de la fumée. Douze petites vies s'éteignirent ce jour-là en quelques instants.
Les instants suivants furent abominables. Les mercenaires, ne les voyant pas sortirent prirent la chaumière d'assaut. Ils se retrouvèrent à faire face à deux furies, un couple de guerriers portés par la rage, le deuil et le désespoir. Les deux vampires abattirent une demi-douzaine de mercenaires avant de tomber. Et les assaillants, découvrant les enfants morts, n'eurent d'autre choix que de repartir chercher de nouvelles victimes, dépités et furieux d'avoir été ainsi piégés.
Les anges étaient finalement arrivés à la tombée de la nuit. Ils découvrirent les deux vampires, leurs corps brisés préparant difficilement leur retour à la vie. Et ils n'eurent plus que leurs yeux pour pleurer quand ils comprirent la signification de la Vision. Ils le dirent à Sarah, plusieurs mois plus tard quand elle parvint enfin à articuler quelques mots : la Vision était là pour les avertir qu'elle devait être aidée et soutenue et s'ils ne l'avaient pas rejetée, tout cela ne serait pas arrivé.
Les anges chutaient. Les anges n'étaient pas des saints. Parfois même, les anges faisaient preuve d'autant d'égoïsme que les humains. Et alors, la chute n'en était que plus dure, plus douloureuse… pour les autres.
Quand ils proposèrent à Sarah de revenir parmi eux, faisant l'honneur d'inviter son compagnon sur leurs terres, elle refusa. Elle ne leur en avait pas vraiment voulu de l'avoir rejetée quand la Vision était survenue. Mais elle ne pourrait jamais leur pardonner d'être responsables de la destruction de sa famille. Ils pouvaient tous chercher à atteindre les soleils, se brûler les ailes et tomber. Elle les laisserait chuter vers la vengeance de Lucifer sans bouger le petit doigt.
Leur esprit commun, la Toile qui les liait tous mentalement l'avait enfin stabilisée. Les cauchemars incessants avaient pris fin, la peur des coups aussi et avec leur départ était revenu l'estime de soi et l'assurance. Elle s'était fait une place parmi eux. Elle était acceptée. Ils savaient tous à quel point cela comptait pour elle et combien elle leur en était reconnaissante.
Le matin, elle se levait par elle-même, enjouée à l'idée d'une nouvelle journée pleine de surprises plutôt que mortifiée en pensant à ce qu'on allait encore pouvoir lui faire subir. Elle rayonnait littéralement. Et il n'y avait aucune raison pour que ça ne dure pas. Quand on était ange, on le restait à vie. On le lui disait et le lui répétait constamment. La force de cette affirmation faisait échos à la solidité de leur esprit communautaire qui la réchauffait à chaque fois qu'un doute refaisait surface. Elle ne serait plus jamais seule.
~*~
La Vision était arrivée subitement, alors qu'elle se baignait. Elle l'avait paralysée. Tétanisée par la noyade, elle n'avait pas pu l'éluder de la Toile des esprits angéliques. Tous avaient donc pu la Voir aussi. Ils l'avaient sortie de l'eau, bien entendu. Mais le regard de son sauveteur n'avait laissé aucun espoir. Ils la reniaient. Ils ne pouvaient accepter ce qu'elle avait Vu et qu'ils avaient perçu eux aussi.
À cet instant, elle sut qu'il y avait des secrets, même chez les anges. Car ils reniaient. Ils offraient une vie paisible et faite de bonheur, mais si l'un d'eux outrepassait les limites, ils le reniaient et l'exilaient. Ils étaient navrés, bien sûr… mais ils étaient fermes.
Et elle avait beau avoir passé les heures qui suivirent à tenter de leur expliquer que ses Visions n'étaient que des possibilités de l'avenir, qu'elle n'était pas une meurtrière, qu'elle ne toucherait jamais des enfants… elle du faire face au rejet. Un à un, ils l'exclurent de la Toile. Sans la Toile, avec les accusations, avec la perte de son foyer, elle les quitta, la tête basse et le cœur gros.
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Plusieurs mois avaient passé depuis qu'elle ne vivait plus parmi les anges. Elle foulait toujours la même terre, mais il lui semblait vivre sur un autre monde. Un monde plus rude, plus douloureux, beaucoup moins accueillant. Les premiers jours d'exil avaient été les plus durs. Elle avait cru mourir mille fois. Mais elle avait tenu, continuant à avancer, à se chercher un nouveau foyer. A construire le sien.
Et elle avait retrouvé Thalen. Il s'était montré heureux de la revoir. Très doux. Et dans ses bras, elle retrouvait le calme que les anges avaient pu lui offrir. Elle lui avait montré la Vision, de peur de devoir faire face à un nouveau rejet auquel elle n'aurait jamais pu survivre. Il avait regardé. Il était resté longtemps silencieux. Puis, il lui avait dit qu'il ne la jugerait pas pour quelque chose qui n'était pas encore arrivé et dont il ne connaissait pas les raisons. Si elle faisait vraiment ce qu'elle avait Vu, peut-être à ce moment-là serait-il temps pour eux de se séparer, mais pour l'heure, il l'acceptait pour ce qu'elle était. Et ça lui avait permis de survivre, de se dire que peut-être, quelque part, il y avait encore une place pour elle.
Mais elle n'oubliait pas l'absence et le trou béant dans son cœur et son esprit. Elle n'oubliait pas que les anges ne lui avaient pas laissé la moindre chance. Elle n'oubliait pas la Vision, l'horrible destin qui l'attendait. Elle aurait aimé qu'ils la soutiennent, qu'ils l'aident à comprendre pourquoi elle aurait pu en venir à un tel geste. Mais ils avaient préféré la laisser seule. La faire chuter.
Elle avait rencontré Lucifer depuis. L'ange était toujours là, ombre à peine tangible de ce qu'il avait été. Il lui avait expliqué que lui aussi avait chuté. C'était ainsi que les anges appelaient l'exil, le rejet éternellement douloureux de leur Toile. Il l'avait aidé à comprendre que les anges n'étaient pas au dessus des autres races. Elle avait du mal à y croire. Elle considérait toujours leur manière de vivre comme la plus acceptable et la plus harmonieuse. Mais l'exil faisait mal et il ferait toujours mal. Comme une chute sans fin.
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Elle les avait appelés à l'aide. Quand la magie l'avait prise à la gorge, son esprit s'était instinctivement tourné vers eux. Ils étaient les plus proches, les plus puissants et les plus disponibles. Elle les avait suppliés.
Quand ils étaient finalement arrivés, plusieurs heures plus tard, son frère humain avait eu le temps de la trainer derrière son cheval pendant de longues minutes, de brûler son visage avec une délectation sadique et de l'attacher à des piquets, abandonnant son corps aux animaux et aux brûlures du soleil.
Les anges lui avaient sauvé la vie. Ils avaient envoyé trois des leurs pour la récupérer. Ils avaient attendu que le seigneur humain ait terminé son œuvre depuis des heures pour partir de chez eux et lui apporter de l'aide. Quand ils l'avaient trouvée, elle n'était plus qu'une masse de chaires meurtrie. Défigurée et amoindrie, ils l'avaient ramenée chez eux. Ils avaient pensé ses blessures en silence. Ils ne l'avaient pas veillée, ils la surveillaient. Pas un mot ne fut prononcé. Aucun ne s'excusa pour ce qu'elle avait subi et qu'ils auraient pu lui éviter. Et quand elle eut la force de marcher, ils la déposèrent à la frontière de leurs terres avec un morceau de pain et une gourde d'eau. Qu'il faille cinq jours pour rallier la ville la plus proche ne les inquiétait pas.
Elle ne dut son salut qu'à la présente de Thalen, une fois de plus, qui répondit à son appel sans la moindre hésitation, abandonnant tout ce qu'il faisait dans la seconde.
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Les jours passaient. Les enfants qu'elle avait adoptés grandissaient. Ils considéraient Sarah et Thalen comme leurs parents. Le couple de vampires leur avait appris l'indépendance et l'union. Ils vivaient tous en harmonie. Il n'y avait pas de vraie Toile entre eux. Mais ils avaient crée une sorte de nœud qui liait toute la famille étroitement. Ils parlaient autant mentalement qu'à voix haute.
Sarah considérait sa famille comme sa seconde chance. Elle aurait tout fait pour eux parce qu'ils étaient tout pour elle. Quand ils décidèrent d'aller s'installer aux croisements des cinq frontières, ce fut avec naturel qu'ils adoptèrent un orphelin mi-ange mi-elfe. Cela relia quelques amitiés avec les anges, mais ils restaient distants avec elle. Ils n'oubliaient pas la Vision même si cela datait désormais. Non, les anges ne pardonnaient pas… pas même les fautes qui n'avaient jamais eu lieu.
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Cela se produisait. Elle n'arrivait pas à le réaliser.
Ce matin-là, elle était allée en ville pour acheter du lait et du fromage. Ils étaient à cours et les enfants qui en raffolaient en réclamaient depuis deux jours. Voulant leur faire plaisir, elle était partie au lever du soleil vers la ville. En entrant dans le premier hameau sur la route après la traversée de la forêt, elle sentit aussitôt la mort et le sang. Sur ses gardes, elle avait parcouru les rues à la recherche de survivants sans en trouver. Les hommes étaient pendus au centre des habitations. Les corps des femmes étaient laissés à l'abandon, outragés, dans les rues. Mais ce qui l'avait pétrifiée d'effroi, c'était les regards des enfants. Des regards dans lesquels la terreur, la douleur et l'horreur de leur agonie restaient gravées. Ils avaient été écorchés et dévorés vivants.
Retenant un haut-le-cœur, elle avait cherché des traces de ceux qui avaient fait cela. Ils avaient déjà sévi dans la région l'année passée et toute la famille en avait été témoin. Il ne lui fallut pas longtemps pour identifier une bande de mercenaires qui vivaient dans la région. Et les traces se dirigeaient vers l'Est… de là où elle venait. Son cœur manqua un battement dans sa poitrine. La fumée de la veille devait être celle de leur campement dans la forêt. Bien trop près de leur demeure pour qu'ils la ratent. Elle avait alors lancé sa monture à tout va pour retourner sur ses pas.
En traversant la forêt, elle les avait perçus. Elle priait pour arriver avant eux. Mentalement, elle lança un appel à l'aide aux alentours. Les elfes le captèrent, mais il leur faudrait une journée pour les rejoindre. Il serait trop tard. Les hommes-mages étaient plus près, mais encore trop loin pour leur venir en aide à temps. Restaient les anges, juste à côté, certains pouvaient même arriver avant elle à la chaumière. Ils entendirent son appel, elle le sentit. Ils écoutèrent, elle parla des enfants. S'ils ne voulaient pas l'aider elle, qu'ils viennent en aide aux enfants au moins. Puis, ce fut le silence.
Elle pensait qu'ils seraient là, prêts à emmener les enfants quand elle arriverait. Mais elle trouva la chaumière comme elle l'avait laissée : silencieuse, insouciante et endormie. Elle alerta Thalen. Ils s'armèrent et armèrent les enfants. Ceux qui étaient en âge de tenir debout connaissaient les rudiments, mais ils n'auraient aucune chance contre des mercenaires surentrainés. Elle appela à nouveau les anges, mais se heurta au silence. Les enfants avaient compris le danger, ils avaient même identifié la menace. Leurs amis des villages alentour leur avaient parlé de cette troupe. Et tous savaient qu'il valait mieux mourir que de rester cinq minutes entre leurs mains. Sarah et Thalen étaient fébriles. Ils sentaient les hommes approcher, chahuter et jubiler. Ils les avaient repérés, ils avaient senti leur magie. La famille était leur prochaine proie.
Sarah savait qu'ils n'avaient aucune chance. Le visage de Thalen était couvert de larmes. Mentalement, tous avaient en tête les cadavres de l'année dernière, retrouvés de la même manière comme Sarah avait vu ceux de leurs voisins ce matin-là. Toute la famille les avait vus l'année précédente et en était encore profondément choquée. Les enfants s'exprimèrent dans un seul bloc, sans mot, suppliant leurs parents de leur épargner ce traitement. Mais, impuissants, les deux vampires ne savaient plus quoi faire à part les réconforter en attendant l'inévitable.
Ce fut le plus jeune qui leur demanda clairement de mettre fin à ses jours. Thalen et Sarah n'eurent pas le temps de refuser, même si l'idée les répugnait. Les autres suivirent. Tous préféraient mourir paisiblement de la main de leurs parents plutôt que de subir les horreurs qui arrivaient vers eux. Il y eut un moment d'abominable silence.
Cela se produisait, elle n'arrivait pas à le réaliser.
Les anges ne seraient pas leur salut. Les mercenaires entouraient maintenant leur petite chaumière, les chevaux piaffant d'impatience. L'odeur de la paille brûlée leur parvint juste avant que la fumée, noire et étouffante ne commence à envahir la maisonnette. Thalen se rapprocha de sa compagne. Ils fixèrent leurs enfants une dernière fois. Puis, Thalen entra dans leurs esprits, leur montrant une journée calme et pleine de douceur. Sarah, ombre fugitive, profita de cet instant de rêve offert par leur père pour se déplacer sans un bruit. Et un à un, elle égorgea ses enfants sans qu'ils ne se rendent compte de rien. Elle ressentit la douleur à leur place, les laissant sombrer vers la mort avec le sourire aux lèvres alors que l'odeur du sang envahissait la pièce, à peine masquée par celle de la fumée. Douze petites vies s'éteignirent ce jour-là en quelques instants.
Les instants suivants furent abominables. Les mercenaires, ne les voyant pas sortirent prirent la chaumière d'assaut. Ils se retrouvèrent à faire face à deux furies, un couple de guerriers portés par la rage, le deuil et le désespoir. Les deux vampires abattirent une demi-douzaine de mercenaires avant de tomber. Et les assaillants, découvrant les enfants morts, n'eurent d'autre choix que de repartir chercher de nouvelles victimes, dépités et furieux d'avoir été ainsi piégés.
~*~
Les anges étaient finalement arrivés à la tombée de la nuit. Ils découvrirent les deux vampires, leurs corps brisés préparant difficilement leur retour à la vie. Et ils n'eurent plus que leurs yeux pour pleurer quand ils comprirent la signification de la Vision. Ils le dirent à Sarah, plusieurs mois plus tard quand elle parvint enfin à articuler quelques mots : la Vision était là pour les avertir qu'elle devait être aidée et soutenue et s'ils ne l'avaient pas rejetée, tout cela ne serait pas arrivé.
Les anges chutaient. Les anges n'étaient pas des saints. Parfois même, les anges faisaient preuve d'autant d'égoïsme que les humains. Et alors, la chute n'en était que plus dure, plus douloureuse… pour les autres.
Quand ils proposèrent à Sarah de revenir parmi eux, faisant l'honneur d'inviter son compagnon sur leurs terres, elle refusa. Elle ne leur en avait pas vraiment voulu de l'avoir rejetée quand la Vision était survenue. Mais elle ne pourrait jamais leur pardonner d'être responsables de la destruction de sa famille. Ils pouvaient tous chercher à atteindre les soleils, se brûler les ailes et tomber. Elle les laisserait chuter vers la vengeance de Lucifer sans bouger le petit doigt.