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Titre : Nuances de triste
Auteur : [livejournal.com profile] neo_mirage
Jour/Thème : 20 décembre – Tombé à la fleur de l’âge dans l’oubli
Fandom : Harry Potter
Personnages/Couple : Dean Thomas/Cho Chang
Rating : PG
Disclaimer : Tout à J.K.R.
Participation au vote de fin de mois : Non
 
Joyeux anniversaire [livejournal.com profile] anadyomede !

 
Nuances de triste
 
« Ne souris pas, » ordonna Dean, et Cho figea son visage dans la position grave et neutre qu’il affectionnait.

Il y avait quelque chose dans les yeux de Cho, tout au fond du noir, une pointe de malheur que Dean n’avait de cesse de traquer sur ses toiles. Il la poursuivait à coups de crayon rageurs, tentait de l’amadouer du bout de son pinceau… Il n’y arrivait pas toujours, parce que Cho n’était plus si malheureuse depuis qu’elle était de nouveau amoureuse. De lui.

C’était un cercle sans fin, un cercle vicieux. Le modèle parfait, celui qu’il cherchait depuis des années, celui dont il était fou depuis le premier regard… Ce modèle-là le cherchait aussi, ce modèle-là était fou de lui aussi, et il ne pouvait même pas s’en réjouir, parce que plus Cho l’aimait, plus elle rayonnait, et plus elle rayonnait, moins il pouvait la peindre.

Depuis la guerre, comme tout le monde, Dean tentait de faire son deuil, de chasser les démons qui le faisaient encore hurler, la nuit. Il le faisait en peignant la douleur sur d’autres traits que les siens, les larmes sur d’autres joues, les ombres dans d’autres yeux.

La douleur, les larmes, les ombres, Cho en débordait depuis qu’elle avait quinze ans, et lorsqu’il l’avait recroisée sur le Chemin de Traverse, alors qu’ils se souvenaient à peine l’un de l’autre, c’était cette tristesse, cette mélancolie, toutes deux ancrées si profondément en elle qu’elles étaient devenues partie intégrante de son être, presque indécelable – et sans doute l’étaient-elles, pour un œil moins entraîné que celui de Dean, l’expert en souffrance – qui l’avaient frappé comme un coup de foudre.

Et peut-être en était-ce un. Peut-être était-il tombé amoureux de la tristesse de Cho Chang et pas vraiment de Cho elle-même.
La première fois qu’elle avait ri en sa compagnie, d’un rire qui n’était ni forcé ni contenu, d’un grand rire enjoué et cristallin qui devait sans doute être l’un des plus beaux sons du monde entier, il s’était senti comme poignardé en plein cœur. Où s’en allait la tristesse, où s’en allait la mélancolie ?

Resterait-il quelque chose de son amour quand tout serait parti ?

Il aimait à le croire, mais il n’en était pas sûr. Avant d’être un amant, avant d’être un humain, Dean était un artiste, et il ne peignait pas les rires, il ne peignait pas les sourires éclatants, les baisers d’amoureux et les yeux pétillants.

Il peignait les pleurs, les torrents de larmes, et sa source se tarissait un peu plus chaque jour.

Cho ne restait plus aussi immobile qu’avant, marquise endeuillée. Derrière ses lèvres closes, il sentait son sourire, un sourire contenu qui finirait inévitablement par éclater, par exploser si fort qu’aucun crayon, qu’aucun pinceau ne pourrait plus le dissimuler.

Il la voyait revenir à la vie, s’extraire lentement de l’oubli dans lequel elle s’était jeté corps et âme, et ses traits délicats, ses joues roses, ses cils noirs, ses cheveux lisses et brillants, reprenaient leur course, abandonnaient leur pose figée, la seule pose que Dean aimait.

Elle ne pleurait presque plus en découvrant ses portraits, parce qu’ils ne disaient plus tout à fait la vérité.

« Tu as tout vu, » avait-elle soufflé la première fois qu’il l’avait peinte. « Tu as tout compris, » et ses larmes chaudes dans son cou, le goût salé de ses lèvres, c’était ça, son véritable chef-d’œuvre.

Désormais, elle le regardait lui et plus ses toiles, un peu peinée, tellement amoureuse, parce qu’il s’accrochait de plus en plus fort à une douleur qui s’échappait davantage à chaque baiser, qu’il dessinait des traits qui n’était plus les siens, peignait une amertume qui n’était plus la sienne.

Cette fille brisée sur sa première toile, cette fille brisée qui le cachait n’était plus qu’un fantôme qui dansait parfois dans les yeux noirs de Cho, et Dean la scrutait des heures durant, cherchait la faille dans les pupilles, ne la trouvait pas toujours, enrageait contre le monde, enrageait contre Cho de l’aimer si fort, enrageait contre lui-même de l’avoir trop aimé, de l’avoir tant aimé qu’il l’en avait gâchée.

Il l’aimait parce qu’elle était malheureuse, et il l’avait tellement aimée qu’il l’avait rendue heureuse.

« Ne souris pas, » ordonna Dean.

Ne souris plus jamais.
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