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Titre: Désir en lumière
Auteur: [livejournal.com profile] aramis_chan
Jour/Thème: 2 août/création
Fandom: original
Personnages: une magicienne et son assistant
Rating: PG
Warnings éventuels: -
Disclaimer: Nope, tout est à moi.
Participation au vote de fin de mois: oui, si je m'y prends pas trop tard pour le dire.

Une flamme dans le creux de sa main, palpitante, fragile; elle brillait d'une lumière intense qui, pourtant, ne semblait que s'éclairer elle-même, et le visage penché sur elle, tout proche, restait plongé dans l'obscurité.

La pièce était sombre. A l'arrière, non loin du seul des quatre murs contre lequel n'étaient pas placée une rangée d'étagères, sur un socle de pierre à peine élevé au-dessus du sol de terre, crépitait faiblement un feu mourant, dessinant sur les murs ainsi relevés des images changeantes qui avaient quelque chose d'une danse effrénée de créatures floues. Les étagères étaient remplies de livres poussiéreux et de feuilles de parchemins isolées, et de toute une série de récipients, des tubes, des fioles, des bouteilles, des bols, en terre cuite, en verre coloré, en pierre et en bois; sur une basse table de bois, seul autre meuble visible, des objets semblables étaient éparpillés, mais dans un désordre complet. Une odeur de sang planait sur la pièce, émanant d'un lapin fraîchement égorgé posé sur la table.

Dans la pénombre, en entrevoyait la silhouette d'une deuxième personne; grande et mince, elle se tenait près de la table basse, et faisait, de temps à autre, une geste nerveux, main passée à travers les cheveux, pieds se replaçant, bras croisés et décroisés, mouvements de tête brusques. C'était Anest Tirace, l'assistant qui avait été accordé à Esra d'Ayane lorsqu'elle était venue demander asile à Véniance.

- Avez-vous besoin de lumière? demanda-t-il, les yeux rivés sur la flamme, et fit un demi pas hésitant vers le côté.

- J'ai besoin de calme.

La flamme, sur sa paume, sentant son agacement, se troubla, comme agitée par un coup de vent; elle s'obligea à respirer profondément, et ferma un instant les yeux, se rappela à la mémoire l'image familière d'un immobile paysage d'hivers; elle aurait dû être au-delà du besoin de tels exercices de concentration, mais ce n'était pas là un de ces sorts qu'elle avait à la bouche au premier réveil, sans besoin d'une pensée consciente, près à être lancés sur un assaillant nocturne...

- Pardon, dit Anest. Est-ce que –

- Non, dit-elle, et rouvrit les yeux. Tout va bien. Elle fixa la flamme, dont l'image dédoublée vint danser dans ses yeux; c'était cela, la partie importante; le reste n'était plus que cosmétique. Akesha, énor, asakha.

A ces mots, la flamme s'élongea, et de blanche qu'elle était devint bleue; elle regarda ce fil de feu fixement, versa sur lui toute sa colère, sûre d'être au-delà, également, du besoin de faire taire tous ses sentiments lorsqu'elle faisait siens les secrets volés à Faerie; la preuve qu'ils étaient fait pour les hommes, c'est qu'ils en tiraient de la force!...

- Maintenant, souffla-t-elle.

Anest, avec des mouvements brusques, prit un long cheveu pâle sur la table, délicatement, entre deux doigts, et s'approcha; devant la haute flamme, qui à présent touchait presque le plafond de bois, il hésita un instant; puis, il y trempa le cheveu, et, le lâchant, s'éloigna rapidement.

Le cheveu resta pendu dans l'air, et sembla prendre feu, mais avec une lenteur non naturelle, tournant lentement au rouge comme une barre de fer. La magicienne, les yeux fixes, chuchota des mots qu'Anest ne parvint pas à saisir; peut-être ce ton bas faisait-il parti du sort; mais peut-être, aussi, se gardait-elle ainsi de relever à lui, qui, bien sûr, les répéterait à sa seigneurie Silior de Véniance, les mots d'une magie qu'on pourrait facilement retourner contre elle.

Elle se tut, et ouvrit entièrement sa main, doigts écartés aussi loin que possible; le fil de feu redevint faible boule sur sa main, puis, soudain – Anest n'entendit aucun son – éclata, et comme de l'or liquide vint couler de la main de la magicienne, en épais filets brillants, pour former une flaque bouillante à ses pied. Cette fois, la lumière éclairait bien les alentours, fit briller comme le soleil la poussière qui vint s'amasser au-dessus de sa main; on ne créait rien de rien, et ceci serait fait de cette poussière, et d'air, et de la vie d'un lapin égorgé, prisonnière dans le feu.

Elle baissa la main.

- Ehéstor, ini, atta, dit-elle, d'une voix qui avait perdue son intensité concentrée.

Anest retint un cri lorsque, du néant, et d'un coup, se leva un squelette humain parfaitement formé, grisâtre, avec quelque paillettes de feu.

- Inamma, souffla la magicienne.

Elle leva les doigts des deux mains vers le squelette nu, et les fit jouer, rappelant à Anest une araignée en mouvement; à ce geste, un cœur pulsant apparut dans la cage thoracique du squelette, brillant faiblement; un autre geste semblable, puis un autre, et un autre, et chaque fois, comme tiré du néant par des fils invisibles attachés à ses doigts, s'ajoutait à cette créature naissante une autre partie du corps. Anest se demanda si c'était là un effet pur de magie, ou si c'était elle qui se souvenait aussi parfaitement, pour l'avoir vu, l'intérieur d'un être humain. Mais, malgré un certain dégoût, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il aurait aimé être capable d'une telle création, si celle-ci deviendrait réellement semblable à un homme; avec un peu de chance, cela sera un jour...

Enfin, faisant, d'un geste, l'or bouillant à ses pieds monter sur elle, la magicienne couvrit la créature – une femme – de peau; la lumière mourut tandis que les reflets d'or se fondaient en membrane, et Anest ne vit rien de la fin de la création, le feu au fond de la pièce étant mort entre-temps.

- C'est finit, déclara Esra d'une voix fraîche; Anest l'entendit claquer des doigts, et une lueur magique, rougeâtre, s'alluma au-dessus de leurs têtes.

Il en sursauta; elle ne devrait pas, après un sort aussi compliqué, être encore, sans se reposer, capable de la moindre magie; cela aussi, il faudra le rapporter; elle semblait parfaitement reposée, d'ailleurs, tête renversé en arrière, contemplant sa création, longs cheveux sombres entremêlés, déjà, à moins de quarante ans, de fils d'argent lui coulant sur le dos; elle paraissait jeune pourtant, avec son corps entraîné et comme toujours d'aspect parfaitement balancé.

Anest s'avança. Des magnifiques cheveux châtains avaient poussés sur la tête de la créature; il en fit le tour; son visage, qu'il s'était presque attendu à n'être qu'un tas de peau esquissant à peine quelque chose d'humain, avait des trait fins; ses yeux étaient ouverts et comme morts, ses lèvres, très rouges dans la lumière magique, entrouvertes, relevant des dents parfaites. Elle était jolie, en tout, quoique d'une maigreur effrayante, et d'une immobilité de statue; Anest avait du mal à s'imaginer qu'une reine qui savait avoir offensé une magicienne puissante puisse en oublier sa prudence.

- C'est cela? demanda-t-il, dubitatif.

Esra sourit, faisant voir deux rangées de dents abîmées.

- C'est cela, dit-elle. Elle lui lança un regard et ajouta, agacée: D'ailleurs, qu'importe? Si je me trompe, vous n'y aurez perdu qu'un lapin.

- Nous y perdons plus à la faire aller jusqu'à Asain.

- C'est cela, répéta Esra, et leva une main vers la créature, lui caressa le visage; elle ne broncha pas. Ce qu'elle désire plus que tout, ce qu'elle laissera l'approcher. Elle se retourna brusquement. Donnez-moi mon manteau; ce n'est pas décent.

Anest obéit et alla prendre par terre un long manteau bleu, un présent de sa seigneurie; Esra en couvrit la femme nue qui, bien que plus grande qu'elle, s'y perdait dans sa minceur.

- Il faudra la nourrir, murmura-t-elle, pensive. Et d'une voix stricte: main!

La créature fit son premier geste et leva la main pour retenir l'étoffe dont on l'avait couverte; Anest n'avait pas été sûr, jusqu'à cet instant, si elle était capable de mouvement.

- Elle ressemble à un elfe, dit-il, revenant à côté d'elles pour la contempler.

- Parce que vous avez vu des elfes? fit Esra, amusée.

- Séhra me protège, non!

Il frissonna; pour un adepte à la magie, l'histoire des êtres de l'autre monde qui entendraient qu'on ne prononce seulement leur nom n'était pas qu'un conte à effrayer les enfants; on disait que dès le premier sort prononcé, qu'ils considéraient vol à leur domaine, une marque était sur vous à jamais...

- Je veux dire, ajouta-t-il, un peu agacé, elle ressemble aux images que j'en ai vu.

Esra haussa les épaules, quoiqu'elle devait en avoir vu, elle, trop connue pour ne pas avoir attiré leur attention.

- Je n'y peux rien; ce n'est pas moi qui l'ai voulue ainsi. Elle s'étira les bras; tout de même fatiguée, après tout, nota Anest. Je dois me reposer. Surtout, ne lui parle pas; elle doit tout apprendre, et il ne doit pas y avoir d'erreur.

Anest hocha la tête.

- Je préviendrai sa seigneurie que l'expérience a réussie. Il hésita, et ajouta: il voudra la voir.

- Alors attends. Ce n'est pas fini.

- Vous avez dit –

- Tel qu'elle est, je ne la laisserais pas sortir de cette chambre; elle scintille de magie – vous devez le sentir. Elle se ferait déchirer en chemin par eux.

- Et vous saurez l'en protéger? Tout le long du chemin vers Asain?

Il la vit froncer les sourcils, et il y avait dans son regard cette colère contenue qu'il lui avait vu chaque fois qu'on mentionnait la reine de Tén-Alar.

- Oui. (Elle poussa un soupir.) Mais cela prendra du temps. Il faudra rendre impossible jusqu'à la détection de ce qu'elle est.

- Par la reine, comme par eux, comprit-il.

Esra eut un sourire mauvais.

- Non. (Elle ne le regarda pas en parlant, mais fixait la créature, toujours immobile, regard fixe perdu dans le vide.) Si le sort est ce qu'il doit être, même la détection ne la sauvera pas. Elle la désirera trop. (Elle se retourna vers lui, et le doute devait lui être inscrit sur le visage, car elle ajouta:) D'ailleurs, m'eut-elle chassée si elle me soupçonnait capable de cela?

Anest ouvrit la bouche pour répondre, puis la referma sans un son. Pour être, sur les faits, totalement faux – car enfin, il savait que chassé la reine de Tén-Alar ne l'avait que de quelques-uns des offices que son général-magicien s'était, au fil du temps, alloués –, ce qu'elle disait devait pourtant avoir, au yeux de quelqu'un qui avait grandi sous Silior de Véniance, un peu de vrai: Anest ne croyait pas être particulièrement sanguinaire, et pourtant il lui semblait logique que si on connaissait sa puissance, on ne retranchait pas aux péjoratifs de ce général-magicien sans trancher autre chose – quoique, probablement de façon plus expédiente et discrète que cela.

- Est-ce qu'elle ne se fatiguera pas, à rester debout ainsi? demanda-t-il à la place d'un commentaire

Tout aussi immobile qu'au départ, elle paraissait un peu moins statue, cependant, depuis qu'elle avait fait son premier geste. Anest brûlait de la voir bouger, parler, vivre – prouver qu'il avait eu raison de sacrifier sa sécurité pour la magie, puisqu'elle le rendrait créateur, à l'égal d'un dieu!

Peut-être qu'Esra devinait son désir, car elle lui dit, avec un autre sourire, celui-ci vide d'ironie ou de méchanceté:

- Dites-lui de se coucher, alors.

Surpris, Anest vint chercher les yeux de la magicienne, mais celle-ci, mue maîtresse de l'apprenti qu'il était, ne fit qu'un geste de la tête pour l'encourager. Anest hésita pourtant; maintenant qu'il allait lui parler, qu'elle allait réagir, elle semblait gagner en réalité, et il lui semblait étrange – et trop peu, pas assez créateur encore! – qu'elle ne fît que réagir à des ordres. Il s'approcha, se mit debout devant elle, tandis qu'Esra lui fit place.

- Etes-vous fatiguée? demanda-t-il.

Elle cligna des yeux; elle avait les paupières très fines, presque blondes.

- Elle ne vous comprend pas encore, dit Esra d'à côté de lui, et lui posa une main sur l'épaule; Anest de sentit désagréablement conscient qu'elle saurait, sans arme aucune, déchiqueter son bras; mais peut-être pas, après tant de magie. Ne vous inquiétez pas, ajouta Esra, et sa voix avait à nouveau gagné cette intensité qui voulait dire qu'elle devait à nouveau penser à la reine qui lui avait retiré sa toute-puissance. Elle apprendra très vite.
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