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Titre : Lettre au temps
Auteur : KTL
Jour/Thème : 17 décembre/le calme avant la tempête (+ tension sexuelle non-résolue)
Fandom : Original
Rating : PG -13, je suppose, pour allusions.
Disclaimer : A moi.
Participation au vote de fin de mois : A voir.
Note : La phrase en italique au début du texte est empruntée à Lynda Lemay.


L’amour n’a plus aucune originalité. Tu le sais, n’est-ce pas ? Même partir n’a plus rien d’original, aujourd’hui. Les deux tiers des adolescents traversent une période de déprime qu’ils voudraient afficher comme plus grande, plus profonde, plus douloureuse que celle du voisin - mais la douleur ne se mesure pas, et leurs efforts pour être plus intéressants ne peuvent jamais les mener que sur un divan de psy ou dans un hôpital. Au pire, dans un cimetière.
L’amour n’a plus aucune originalité, mais peut-être n’en a-t-il jamais eu. Qui sommes-nous, après tout, pour prétendre aimer ? Un cœur qui se serre, se bloque, s’arrête ? C’est d’une affligeante banalité. Si ça ne l’était pas, comment te dire que je t’aime ? La foule est mon unique masque ; si les autres n’aiment pas, je n’ai qu’à me taire, et te renier au moindre éclat des yeux de ceux qui me côtoient.
Parce que tu vois, je t’aime. Je t’aimais. Le temps n’a aucune importance. Ou plutôt si, il serait faux de prétendre le contraire ; le temps a une importance fâcheuse, mais c’est ainsi. Pour toi et toi seul, le temps, les heures, les jours et les mois qui passent ne comptent pas. Que je ne sois pas là ? La belle affaire. Il y aura toujours quelqu’un d’autre, quelqu’un pour te susurrer des mots tendres et mensongers qui te suffiront, car on se satisfait de tout. Je n’ai jamais su te donner ça. Même en étant aussi près de toi que possible - plus que près - je n’ai rien dit. J’ai souri, mais c’était pour ne pas pleurer. Tu le savais, n’est-ce pas ? Tu le savais. Mais de cela aussi tu te moquais. Tu voulais quelque chose de précis, tu l’as eu. C’est drôle comme nous fonctionnons, nous autres humains. L’objectif amoureux nous transporte, nous traverse comme une flèche et nous laisse sur le carreau. Si je ne t’avais pas aimé, si nous ne nous étions pas croisés, les choses auraient été différentes. Oh, j’aurais fini par tomber, et toi aussi sans doute ; mais pas comme ça.
Pas d’aussi haut.
Pas en aimant à ce point la chute.
Car oui, j’ai aimé cette descente aux enfers effectuée avec toi, petit à petit - j’ai aimé laisser le reste derrière, les autres, la famille, mes amis et les tiens, jusqu’aux plus proches, et même, pour finir, nous, en tant que personnalités distinctes. J’ai aimé ne faire qu’un avec toi. J’ai aimé cette mort-là.
Mais je ne voulais pas remonter, alors j’ai tout coupé. Mourir pour de bon, en bas, pendant que tu reprenais l’escalier. Je t’avais toujours suivi, et sans doute pensais-tu que cette fois-ci ne ferait pas exception. Ç’aurait été mieux, plus sain ; mais au fond, ça n’était qu’un abandon de plus, mon amour. Tu t’es contenté de m’oublier au bord du précipice. Mais je ne t’en veux pas, comment le pourrais-je ?
Je n’ai jamais su t’en vouloir, tout comme je n’ai jamais su te retenir.
C’est ainsi que ça marche. Du moins il me plaît de le croire : il m’est plus facile, tellement plus facile, de penser que je n’y suis pour rien. Que tout était déterminé, que le changement est impossible. Que t’appeler maintenant ne serait qu’un pas de plus vers le pathétique. Le désespoir ne va qu’aux hommes ; mêmes dans la plus grande déchéance, ils gardent cette masculinité qui les rend invulnérables. Une femme malheureuse n’a plus rien - un cœur brisé devra toujours se cacher derrière un sourire ou derrière une corde, il n’y a pas de juste milieu. Je suis née femme. Dommage, n’est-il pas ? Un homme soûl a une certaine dignité, quand une femme enivrée n’est qu’une proie. Pas de refuge dans l’alcool donc. Ni ailleurs, j’ai perdu tout le monde avant de te perdre toi aussi.
A croire que j’aime perdre les gens, que j’aime perdre tout court.
C’est si facile, presque trop. Un mot suffit parfois - et même les plus attachés s’enfuient au bout de trois. Tu sais ce que c’est, n’est-ce pas ? Il fut un temps où l’exercice t’amusait.
Il fut un temps ou faire fuir les autres était notre égoïste jeu. Et se retrouver seuls, et tomber un peu plus. Le calme avant la tempête. Le goutte à goutte avant de boire la tasse.
Et puis...
Et puis rien.
Je suis là, et toi aussi, mais il n’y a plus rien. Il n’y aura plus jamais rien. Tu le sais, n’est-ce pas ? L’amour n’a plus aucune originalité. Même partir n’a plus rien d’original. Le reste n’est que digression.
Je pars.
Tu le sais, n’est-ce pas ? Mon amour. Je m’en vais. Il est temps, sans doute. Je n’ai plus l’âge des rêves, et notre vie commune, débutée au fond de notre adolescence, n’a plus de sens. Je n’ai plus l’âge des rêves, toi non plus, ne passons pas à celui des cauchemars.
Je ne te ferai plus souffrir. Je m’en vais, et je m’en vais pour ça ; mais je n’irai pas jusqu’à affirmer avec aplomb que mon unique but est de te libérer, car c’est toi qui me retiens. Tu m’as laissée au fond du gouffre, et tu m’y as attachée ; je ne sais pas partir, je n’ai jamais su, mais il le faudra bien. La douleur est une bonne source d’inspiration mais je ne suis pas une artiste et je ne recherche plus que la quiétude. Est-ce ridicule, la vingtaine à peine passée, de partir pour du calme ?
Tout est calme ici pourtant.
Trop, peut-être.
Trop, sans doute.
Tout est calme, et froid, d’un froid qui brûle car c’est là le principe ; et moi je n’en peux plus, et tu souffres de cela, bien sûr, car quoi que nous disions nous nous aimons encore, je te laisse cette vérité-là, fais-en ce que tu veux. Jette-la si tu le souhaites, quelle importance ? Je ne veux plus de cette vie avec toi, parce qu’à force elle me dégoûte de la vie tout court, et je ne peux envisager le suicide car je n’aime ni le gâchis, ni le noir, ni les larmes. J’étais heureuse, avant, et je le serai à nouveau. Oh, pas tout de suite. Laisse-moi le temps de me reconstruire, mon amour.
Oublie-moi avant.
Laisse-moi juste partir. Ne dis rien. Regarde : mes paquets sont faits. Je te laisse l’appartement, je ne suis pas mesquine. Regarde-moi, aussi : je me suis habillée de cette robe que tu aimais, et puis j’ai maquillé mes yeux pour ne pas pouvoir pleurer. Pas devant toi. Tu me connais, tu sais que sur le palier déjà le mascara aura coulé ; mais ça n’a pas d’importance, tu auras refermé la porte derrière moi et alors tout sera fini.
Le calme, à nouveau.
Avant la prochaine tempête, qui ne sera pas toi, du moins je l’espère, car il faut mettre un point à tout cela.
Le calme, à nouveau.
Le silence.
Et le temps qui, comme mon cœur, se serre, se bloque et s’arrête.
Ne t’approche pas trop du soleil, mon amour, ne brûle pas tes ailes à demi arrachées, et garde-moi dans un coin de ton cœur comme un souvenir inattaquable. Oui, moi aussi je t’aime, là n’est pas la question.
Au revoir.
Adieu.
Tu me manqueras. Ton corps, aussi, et il me manque déjà, mais... Oh, je hais les points de suspension. J’aime les brisures nettes et franches, alors pourquoi m’est-il si dur de...
Laisse-moi fermer la porte, laisse-moi partir, ou je vais pleurer devant toi, et ce serait pire que tout.
Abandonne.
Tu en aimeras une autre, et tu l’aimeras mieux que tu m’as aimée. Ce que nous étions, nous ne pourrions plus l’être, même si nous le voulions ; alors laisse-moi partir, et laisse-moi sécher mes larmes contre un autre cœur que le tien.
Au revoir.
Adieu.
Les choses seront différentes, mais sache que tu étais ma tempête. La plus belle qui soit.
Je t’aimais, mais le temps est assassin et je n’ai jamais rien su finir. Je ne veux pas te perdre, je préfère m’en aller ; comprends-le.
Tu te contenteras des mots d’une autre, je te l’ai dit, on se contente de tout.


 
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